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Simone Weil

Simone Weil

Simone Adolphine Weil (3 février 1909 – 24 août 1943) était une philosophe, mystique et militante politique française. Après avoir terminé ses études, Weil est devenue enseignante.

Nous nous trouvons en ce moment dans un état d’équilibre social instable qu’il y a lieu de transformer [...] en un équilibre stable.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Un ordre nouveau, même s’il comporte [...] certaines concessions importantes, serait de beaucoup préférable [...] au désordre.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il consiste à établir un certain équilibre [...] entre les droits que peuvent légitimement revendiquer les travailleurs en tant qu’êtres humains et l’intérêt matériel de la production.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Les travailleurs [...] tendent naturellement à faire entrer leurs droits et leur dignité d’hommes en ligne de compte.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Ce qui a été perdu du côté de la terreur [...], il faut essayer de le regagner du côté des mobiles élevés : l’amour-propre professionnel, l’amour du travail, [...] le sentiment de la responsabilité.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il faut que les ouvriers puissent mettre en jeu les facultés qu’aucun être humain ne peut laisser étouffer en lui-même sans souffrir et sans se dégrader : l’initiative, la recherche, [...] la responsabilité.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Le sentiment d’infériorité n’est pas favorable au développement des facultés humaines.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La discipline du travail ne doit plus être unilatérale, mais reposer sur la notion d’obligations réciproques. À cette condition seulement elle peut être acceptée, et non plus simplement subie.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Le respect de la vie humaine doit limiter le pouvoir de prendre une mesure [...] qui risque de briser une existence.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Les ouvriers ne doivent plus ignorer ce qu’ils fabriquent [...]; il faut leur donner le sentiment de collaborer à une œuvre, leur donner la notion de la coordination des travaux.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il faut leur donner le sentiment que l’entreprise vit, et qu’ils participent à cette vie.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il faut chercher des modes de travail [...] propres à stimuler chez les ouvriers les mobiles les plus élevés [...] et à leur donner le maximum de liberté sans nuire à l’ordre.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Sur ce terrain, l’expérience seule décide, et les initiatives les plus hardies sont les meilleures.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La connaissance essentielle concernant Dieu est que Dieu est le Bien. Tout le reste est secondaire.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Connaître la divinité seulement comme puissance et non comme bien, c’est l’idolâtrie [...]. C’est seulement parce que le Bien est unique qu’il faut reconnaître un seul Dieu.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

le salut de l’âme s’opère dans l’autre monde, mais le salut de l’État s’opère dans ce monde-ci.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La notion même de peuple élu est incompatible avec la connaissance du vrai Dieu. C’est de l’idolâtrie sociale, la pire idolâtrie.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

l’unique péché sans pardon, le péché contre le Saint-Esprit, consiste à dire que du bien, reconnu comme tel, procède du mal.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Être prêt, inconditionnellement et sans restriction, à aimer le bien partout où il apparaît, dans toute la mesure où il apparaît, c’est l’impartialité commandée par le Christ.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Tout bien authentique est d’origine divine et surnaturelle.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Partout où il y a du bien, il y a contact surnaturel avec Dieu, fût-ce dans une tribu fétichiste et anthropophage [...].

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

quiconque donne à un malheureux sans que sa main gauche sache ce que fait sa main droite a Dieu présent en lui.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Quand un commandement est injuste, un prodige est bien peu pour faire admettre qu’il vient de Dieu.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Les Hébreux [...] n’avaient pas la notion d’une distinction entre Dieu et le diable. Ils attribuaient indistinctement à Dieu tout ce qui est extra-naturel [...] parce qu’ils concevaient Dieu sous l’attribut de la puissance et non [...] du bien.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

personne ne peut constater quelles sont les relations entre une âme et Dieu ; mais il y a une manière de concevoir la vie [...] qui n’apparaît dans une âme qu’après la transformation produite par l’union d’amour avec Dieu.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

[...] par la souffrance la connaissance. Elle se distille dans le sommeil auprès du cœur, la souffrance qui est mémoire douloureuse ; et même à qui ne veut pas vient la sagesse.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

L’univers consent à obéir à Dieu ; autrement dit, il obéit par amour.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La géométrie grecque est une prophétie. [...] à l’origine elle constituait un langage symbolique concernant les vérités religieuses.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Une philosophie du travail n’est pas matérialiste. [...] [Elle] enferme la relation de l’homme avec le terme antagoniste. Le terme antagoniste, c’est la matière.

1934

Source: Oppression et Liberté

Moins une formule a de signification, plus épais est le voile qui couvre les contradictions illégitimes d’une pensée.

1934

Source: Oppression et Liberté

La vérité est trop dangereuse à toucher. C’est un explosif.

1934

Source: Oppression et Liberté

[Dans un système où] la force [...] est tout, il ne laisse aucune espérance pour la justice. Il ne laisse même pas l’espérance de la concevoir dans sa vérité, puisque les pensées ne font que refléter les rapports de force.

1934

Source: Oppression et Liberté

La plupart des êtres humains ne mettent pas en doute la vérité d’une pensée sans laquelle littéralement ils ne pourraient pas vivre.

1934

Source: Oppression et Liberté

L’homme ne peut pas supporter plus d’un moment d’être seul à vouloir le bien. Il lui faut un allié tout-puissant.

1934

Source: Oppression et Liberté

La contradiction essentielle dans la vie humaine, c’est que l’homme [...] est en même temps soumis [...] à une force aveugle, à une nécessité absolument indifférente au bien.

1934

Source: Oppression et Liberté

Loin que la contradiction soit toujours un critérium d’erreur, elle est quelquefois un signe de vérité.

1934

Source: Oppression et Liberté

Le matérialisme rend compte de tout, à l’exception du surnaturel. [...] si l’on ne tient pas compte du surnaturel, on a raison d’être matérialiste.

1934

Source: Oppression et Liberté

[Certains] croyaient, les naïfs, que la justice est de ce monde. C’est là l’illusion extrêmement dangereuse.

1934

Source: Oppression et Liberté

La matière sociale est un obstacle infiniment plus difficile à franchir que la chair proprement dite entre l’âme et le bien.

1934

Source: Oppression et Liberté

On n’a compris [une] vérité [...] que lorsqu’on l’a reconnue vraie pour soi-même.

1934

Source: Oppression et Liberté

Les luttes les plus violentes opposent souvent des gens qui pensent exactement ou presque exactement la même chose.

1934

Source: Oppression et Liberté

Chaque groupe professionnel se fabrique une morale en vertu de laquelle l’exercice de la profession [...] est hors de toute atteinte du mal.

1934

Source: Oppression et Liberté

Ils nomment justes et belles les choses nécessaires, car ils ignorent combien est grande en réalité la distance qui sépare l’essence du nécessaire et celle du bien.

1934

Source: Oppression et Liberté

Le fait qu’ils [les partis] existent n’est nullement un motif de les conserver. Seul le bien est un motif légitime de conservation.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, estimés efficaces à tort ou à raison.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

Seul ce qui est juste est légitime. Le crime et le mensonge ne le sont en aucun cas.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

La passion collective est une impulsion de crime et de mensonge infiniment plus puissante qu’aucune passion individuelle.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

La première fin, et, en dernière analyse, l’unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

Tout parti est totalitaire en germe et en aspiration.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

La pensée collective est incapable de s’élever au-dessus du domaine des faits. C’est une pensée animale.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

Si on a un critère du bien autre que le bien, on perd la notion du bien.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

Les partis sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

[...] en entrant dans un parti on renonce à chercher uniquement le bien public et la justice.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

C’est en désirant la vérité à vide et sans tenter d’en deviner d’avance le contenu qu’on reçoit la lumière. C’est là tout le mécanisme de l’attention.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

Il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser.

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

Presque partout [...] l’opération de prendre parti [...] s’est substituée à l’opération de la pensée. C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques [...].

1940

Source: Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)

Le gros animal est le seul objet d’idolâtrie, le seul ersatz de Dieu, la seule imitation d’un objet qui est infiniment éloigné de moi et qui est moi.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Si l’on pouvait être égoïste, ce serait bien agréable. Ce serait le repos. Mais littéralement on ne peut pas.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le collectif est l’objet de toute idolâtrie, c’est lui qui nous enchaîne à la terre.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ce que nous voulons, c’est le bien absolu. Ce que nous pouvons atteindre, c’est le bien corrélatif du mal. [...] C’est le social qui jette sur le relatif la couleur de l’absolu.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La société est la caverne, la sortie est la solitude.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il n’y a que par l’entrée dans le transcendant, le surnaturel, le spirituel authentique que l’homme devient supérieur au social. Jusque-là, [...] le social est transcendant par rapport à l’homme.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

On s’engage toujours sans savoir.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le marxisme, pour autant qu’il est vrai, est entièrement contenu dans la page de Platon sur le gros animal, et sa réfutation y est contenue aussi.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’accord entre plusieurs hommes renferme un sentiment de réalité. [...] L’écart, par rapport à cet accord, apparaît comme un péché.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ainsi la réprobation sociale est une faveur du sort.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le service du faux Dieu (de la Bête sociale) purifie le mal en éliminant l’horreur. À qui le sert, rien ne paraît mal, sauf les défaillances dans le service.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Regarder un bien, aimé comme tel, comme condamné par le cours prochain des événements est une douleur intolérable. [...] C’est là soumission au gros animal.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Est pharisien un homme qui est vertueux par obéissance au gros animal.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Une nation comme telle ne peut être objet d’amour surnaturel. Elle n’a pas d’âme. C’est un gros animal.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’enracinement est autre chose que le social.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La force n’est pas une machine à créer automatiquement de la justice. C’est un mécanisme aveugle dont sortent [...] par le jeu des probabilités, presque toujours [des] effets injustes.

1943

Source: L'Enracinement

Si la force est absolument souveraine, la justice est absolument irréelle. Mais elle ne l’est pas. [...] Elle est réelle au fond du cœur des hommes.

1943

Source: L'Enracinement

Il n’est pas au pouvoir d’un homme d’exclure absolument toute espèce de justice des fins qu’il assigne à ses actions.

1943

Source: L'Enracinement

Un homme qui prend la peine d’élaborer une apologie de l’esclavage n’aime pas la justice. Le siècle où il vit n’y fait rien.

1943

Source: L'Enracinement

Si la justice est ineffaçable au cœur de l’homme, elle a une réalité en ce monde.

1943

Source: L'Enracinement

Dans ce monde-ci la vie [...] n’est que du mensonge, et la mort seule est vraie. Car la vie contraint à croire ce qu’on a besoin de croire pour vivre.

1943

Source: L'Enracinement

Pour que le sentiment religieux procède de l’esprit de vérité, il faut être totalement prêt à abandonner sa religion, dût-on perdre ainsi toute raison de vivre, au cas où elle serait autre chose que la vérité.

1943

Source: L'Enracinement

Dieu ne doit pas être pour un cœur humain une raison de vivre comme est le trésor pour l’avare.

1943

Source: L'Enracinement

La foi est avant tout la certitude que le bien est un. Croire qu’il y a plusieurs biens distincts et mutuellement indépendants, comme vérité, beauté, moralité, c’est cela qui constitue le péché de polythéisme.

1943

Source: L'Enracinement

L’acquisition des connaissances fait approcher de la vérité quand il s’agit de la connaissance de ce qu’on aime, et en aucun autre cas.

1943

Source: L'Enracinement

Au lieu de parler d’amour de la vérité, il vaut mieux parler d’un esprit de vérité dans l’amour.

1943

Source: L'Enracinement

La vraie définition de la science, c’est qu’elle est l’étude de la beauté du monde.

1943

Source: L'Enracinement

Ce qui est souverain ici-bas, c’est la détermination, la limite. La Sagesse éternelle emprisonne cet univers dans un réseau, dans un filet de déterminations.

1943

Source: L'Enracinement

Toute force visible et palpable est sujette à une limite invisible qu’elle ne franchira jamais.

1943

Source: L'Enracinement

Tout change quand, par la vertu d’une véritable attention, [un homme] vide son âme pour y laisser pénétrer les pensées de la sagesse éternelle. Il porte alors en lui les pensées mêmes auxquelles la force est soumise.

1943

Source: L'Enracinement

La vie humaine est impossible. Mais le malheur seul le fait sentir.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le désir est impossible ; il détruit son objet. Les amants ne peuvent pas être un [...].

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Parce que désirer quelque chose est impossible, il faut désirer le rien.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Notre vie est impossibilité, absurdité. Chaque chose que nous voulons est contradictoire avec les conditions ou les conséquences qui y sont attachées [...].

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La contradiction seule fait la preuve que nous ne sommes pas tout. La contradiction est notre misère, et le sentiment de notre misère est le sentiment de la réalité.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Notre misère, nous ne la fabriquons pas. Elle est vraie. C’est pourquoi il faut la chérir. Tout le reste est imaginaire.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’impossibilité est la porte vers le surnaturel. On ne peut qu’y frapper. C’est un autre qui ouvre.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il faut toucher l’impossibilité pour sortir du rêve. Il n’y a pas d’impossibilité en rêve. Seulement l’impuissance.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Les liens que nous ne pouvons pas nouer sont le témoignage du transcendant.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La conscience de [...] l'impossibilité nous force à désirer continuellement saisir l’insaisissable à travers tout ce que nous désirons, connaissons et voulons.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Quand quelque chose semble impossible à obtenir [...], cela indique une limite infranchissable à ce niveau et la nécessité d’un changement de niveau, d’une rupture de plafond.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

S’épuiser en efforts à [un] niveau dégrade. Il vaut mieux accepter la limite, la contempler et en savourer toute l’amertume.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Tous les mobiles particuliers sont des erreurs. L’énergie qui n’est fournie par aucun mobile est seule bonne [...].

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Faire le bien. Quoi que je fasse, je sais d’une manière parfaitement claire que ce n’est pas le bien. Car celui qui n’est pas bon ne fait pas le bien.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Est bonne l’action qu’on peut accomplir en maintenant l’attention [...] orientées vers le bien pur et impossible, sans se voiler par aucun mensonge [...] l’impossibilité du bien pur.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La limite est la loi du monde manifesté. Dieu seul [...] est sans limites.

1932-1942

Source: Sur la science

Le désir est illimité dans son objet, et limité en son principe [...] par la fatigue qui le condamne à mort d’avance.

1932-1942

Source: Sur la science

La délivrance est de lire la limite et la relation dans toutes les apparences sensibles [...] aussi clairement et immédiatement qu’un sens dans un texte imprimé.

1932-1942

Source: Sur la science

La signification d’une science véritable est de constituer une préparation à la délivrance.

1932-1942

Source: Sur la science

L’équilibre [...] est la notion essentielle de la science ; par cette notion tout changement [...] est considéré comme une rupture d’équilibre.

1932-1942

Source: Sur la science

[...] il est absurde de croire la science susceptible de progrès illimité. Elle est limitée, comme toutes choses humaines [...].

1932-1942

Source: Sur la science

[La science] est, non une fin [...] mais un moyen pour chaque homme. Le temps est venu de chercher non à l’étendre, mais à la penser.

1932-1942

Source: Sur la science

L’homme serait incapable de penser [...] s’il ne lui était donné des images de l’équilibre à son échelle. Cela est non une nécessité, mais une grâce [...].

1932-1942

Source: Sur la science

Quelque partie [...] qu’on étudie, on a compris quelque chose quand on a défini un équilibre, des limites [...] et des rapports de compensation [...].

1932-1942

Source: Sur la science

La limite, qui implique la notion d’équilibre, est la première loi du monde manifesté ; la hiérarchie est la seconde.

1932-1942

Source: Sur la science

Les jugements de valeur sont toujours intuitifs et n’admettent pas de preuve ; la raison discursive n’intervient que pour les définir et les mettre en ordre [...].

1932-1942

Source: Sur la science

La connaissance de notre imperfection en tant qu’êtres pensants est la connaissance la plus immédiate ; elle est commune à tous les hommes [...].

1932-1942

Source: Sur la science

L’homme peut et doit concevoir la possibilité de hiérarchies de valeur non relatives à la pensée humaine, mais il ne peut pas concevoir ces hiérarchies.

1932-1942

Source: Sur la science

On peut dire que tout phénomène tend à la fois à s’étendre, à se dégrader, à s’élever.

1932-1942

Source: Sur la science

[...] il y a quelque chose dans la matière non vivante qui fait qu’elle peut être transformée en matière vivante.

1932-1942

Source: Sur la science

Le premier besoin de l’âme [...] c’est l’ordre, c’est-à-dire un tissu de relations sociales tel que nul ne soit contraint de violer des obligations rigoureuses pour exécuter d’autres obligations.

1943

Source: L'Enracinement

Celui pour qui les circonstances rendent [...] incompatibles les actes ordonnés par plusieurs obligations strictes, celui-là [...] est blessé dans son amour du bien.

1943

Source: L'Enracinement

Quiconque agit de manière à augmenter l'incompatibilité [entre les obligations] est un fauteur de désordre. Quiconque agit de manière à la diminuer est un facteur d’ordre.

1943

Source: L'Enracinement

Quiconque, pour simplifier les problèmes, nie certaines obligations, a conclu en son cœur une alliance avec le crime.

1943

Source: L'Enracinement

Nous aimons la beauté du monde, parce que nous sentons derrière elle la présence de quelque chose d’analogue à la sagesse que nous voudrions posséder pour assouvir notre désir du bien.

1943

Source: L'Enracinement

Les œuvres d’art vraiment belles offrent l’exemple d’ensembles où des facteurs indépendants concourent, d’une manière impossible à comprendre, pour constituer une beauté unique.

1943

Source: L'Enracinement

Le sentiment des diverses obligations procède toujours d’un désir du bien qui est unique, fixe, identique à lui-même, pour tout homme, du berceau à la tombe.

1943

Source: L'Enracinement

Ce désir [du bien] perpétuellement agissant au fond de nous empêche que nous puissions jamais nous résigner aux situations où les obligations sont incompatibles.

1943

Source: L'Enracinement

La contemplation [...] de la beauté du monde [...] peut nous soutenir dans l’effort de penser continuellement à l’ordre humain qui doit être notre premier objet.

1943

Source: L'Enracinement

En regardant le monde [...], nous trouvons un encouragement [...] en considérant comment les forces aveugles [...] sont amenées à concourir à une unité, par quelque chose que nous ne comprenons pas, mais que nous nommons la beauté.

1943

Source: L'Enracinement

Si nous gardons sans cesse présente à l’esprit la pensée d’un ordre humain véritable [...], nous serons dans la situation d’un homme qui marche dans la nuit, sans guide, mais en pensant sans cesse à la direction qu’il veut suivre.

1943

Source: L'Enracinement

Le premier caractère qui distingue les besoins des désirs [...] c’est que les besoins sont limités [...]. La nourriture apporte le rassasiement. Il en est de même des nourritures de l’âme.

1943

Source: L'Enracinement

Les besoins s’ordonnent par couples de contraires, et doivent se combiner en un équilibre. L’homme a besoin de nourriture, mais aussi d’un intervalle entre les repas ; il a besoin de chaleur et de fraîcheur, de repos et d’exercice.

1943

Source: L'Enracinement

Ce qu’on appelle le juste milieu consiste en réalité à ne satisfaire ni l’un ni l’autre des besoins contraires. C’est une caricature du véritable équilibre.

1943

Source: L'Enracinement

La justice dans Platon est une vertu surnaturelle.

1953

Source: La Source grecque

La justice est une fuite hors de ce monde dans l’autre [...].

1953

Source: La Source grecque

Une fuite est tout autre chose qu’une recherche.

1953

Source: La Source grecque

La fuite est une action qui occupe toute l’âme : quand on a peur on oublie tout, même les êtres chers.

1953

Source: La Source grecque

Si on fuit simplement en pensée, en imagination, on tombe aux mains de l’ennemi.

1953

Source: La Source grecque

Ce qu’on appelle [...] la géométrie, c’est l’assimilation des nombres qui ne sont pas naturellement semblables [...]. Pour quiconque peut comprendre c’est là une merveille non pas humaine, mais divine.

1953

Source: La Source grecque

Dieu et l’homme sont des nombres non naturellement semblables !

1953

Source: La Source grecque

Le juste parfaitement juste est un médiateur.

1953

Source: La Source grecque

L’idée de médiation est partout dans Platon [...] toujours liée à l’idée d’imitation [...] et à l’idée de souffrance.

1953

Source: La Source grecque

Le médiateur est un être qu’on suit, qu’on imite, qui enseigne et [...] un être souffrant.

1953

Source: La Source grecque

[L'assimilation à Dieu] est sa propre récompense. Pas de sanctions extérieures.

1953

Source: La Source grecque

La justice est contact avec Dieu, l’injustice est séparation de Dieu.

1953

Source: La Source grecque

La justice est une fuite [...] qui implique un abandon, qui implique aussi qu’on est poussé.

1953

Source: La Source grecque

Quiconque souffre cherche à communiquer sa souffrance — soit en maltraitant, soit en provoquant la pitié — afin de la diminuer, et il la diminue vraiment ainsi.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Celui qui est tout en bas, que personne ne plaint, qui n’a le pouvoir de maltraiter personne [...], sa souffrance reste en lui et l’empoisonne.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Impossible de pardonner à qui nous a fait du mal, si ce mal nous abaisse. Il faut penser qu’il ne nous a pas abaissés, mais a révélé notre vrai niveau.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Désir de voir autrui souffrir ce qu’on souffre, exactement. C’est pourquoi [...] les rancunes des misérables se portent sur leurs pareils.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

On a comblé un vide en soi en le créant chez autrui.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le désir de la vengeance est un désir d’équilibre essentiel. Chercher l’équilibre sur un autre plan.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La recherche de l’équilibre est mauvaise parce qu’elle est imaginaire. La vengeance [...] c’est, en un sens, imaginaire.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Pour avoir la force de contempler le malheur quand on est malheureux, il faut le pain surnaturel.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le mécanisme par lequel une situation trop dure abaisse est que l’énergie fournie par les sentiments élevés est [...] limitée ; si la situation exige qu’on aille plus loin [...], il faut avoir recours à des sentiments bas [...] plus riches en énergie.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Tragédie de ceux qui, s’étant portés par amour du bien, dans une voie où il y a à souffrir, arrivent au bout d’un temps donné à leur limite et s’avilissent.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Les sentiments bas (envie, ressentiment) sont de l’énergie dégradée.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le contentement de soi après une bonne action [...] est une dégradation d’énergie supérieure. C’est pourquoi la main droite doit ignorer…

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Les hommes nous doivent ce que nous imaginons qu’ils nous donneront. Leur remettre cette dette. Accepter qu’ils soient autres que les créatures de notre imagination, c’est imiter le renoncement de Dieu.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Moi aussi, je suis autre que ce que je m’imagine être. Le savoir, c’est le pardon.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Descente, condition de la montée. Le ciel descendant sur terre soulève la terre au ciel.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Abaisser quand on veut élever. C’est de la même manière que « celui qui s’abaisse sera élevé ».

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il y a [...] une nécessité et des lois dans le domaine de la grâce.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il y a [...] moins encore d’arbitraire et de hasard dans les choses spirituelles, quoique libres.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Un nombre qui croît pense qu’il s’approche de l’infini. Il s’en éloigne. Il faut s’abaisser pour s’élever.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La misère humaine contient le secret de la sagesse divine, et non pas le plaisir.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Toute recherche d’un plaisir [...] ne nous donne rien, sinon l’expérience qu’elle est vaine.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Seule la contemplation de nos limites et de notre misère nous met un plan au-dessus.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le mouvement ascendant en nous est vain [...] s’il ne procède pas d’un mouvement descendant.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ne pas juger. [...] Laisser venir à soi tous les êtres, et qu’ils se jugent eux-mêmes. Être une balance.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

On ne sera pas jugé alors, étant devenu une image du véritable juge qui ne juge pas.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Quand l’univers pèse tout entier sur nous, il n’y a pas d’autre contrepoids possible que Dieu lui-même.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le mal est infini au sens de l’indéterminé [...]. Sur ce genre d’infini, seul le véritable infini l’emporte.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La croix est une balance où un corps frêle et léger, mais qui était Dieu, a soulevé le poids du monde entier.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ce point d’appui [pour soulever le monde] est la croix. [...] Il faut qu’il soit à l’intersection du monde et de ce qui n’est pas le monde.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il y a des hommes [...] profondément internationalistes en temps de paix, parce qu’ils savent que la justice n’a pas de nationalité.

1943

Source: L'Enracinement

Comme chacun se croit suffisamment capable de justice, chacun croit aussi qu’un système où il serait puissant serait assez juste. [...] Les hommes y succombent continuellement.

1943

Source: L'Enracinement

L’État avait cessé d’être [...] un bien à servir par le dévouement. En revanche il était devenu aux yeux de tous un bien illimité à consommer.

1943

Source: L'Enracinement

De remède, il n’y en a qu’un. Donner aux Français quelque chose à aimer. Et leur donner d’abord à aimer la France.

1943

Source: L'Enracinement

Le centre de la contradiction inhérente au patriotisme, c’est que la patrie est une chose limitée dont l’exigence est illimitée.

1943

Source: L'Enracinement

Jamais dans cet univers il n’y a égalité de dimensions entre une obligation et son objet. L’obligation est un infini, l’objet ne l’est pas.

1943

Source: L'Enracinement

C’est seulement à travers les choses et les êtres d’ici-bas que l’amour humain peut percer jusqu’à ce qui habite derrière.

1943

Source: L'Enracinement

Il faut accepter la situation qui nous est faite et qui nous soumet à des obligations absolues envers des choses relatives, limitées et imparfaites.

1943

Source: L'Enracinement

Il n’y a échange que si chacun conserve son génie propre, et cela n’est pas possible sans liberté.

1943

Source: L'Enracinement

Le pacifisme n’est susceptible de faire du mal que par la confusion entre deux répugnances, la répugnance à tuer et la répugnance à mourir. La première est honorable, mais très faible ; la seconde, presque inavouable, mais très forte.

1943

Source: L'Enracinement

Ceux qui ne veulent pas défendre leur patrie doivent perdre, non pas la vie ni la liberté, mais purement et simplement la patrie.

1943

Source: L'Enracinement

L’espérance seule, quand même il n’y aurait rien d’autre, vaut la peine qu’on meure pour la préserver.

1943

Source: L'Enracinement

La compassion pour la fragilité est toujours liée à l’amour pour la véritable beauté, parce que nous sentons vivement que les choses vraiment belles devraient être assurées d’une existence éternelle et ne le sont pas.

1943

Source: L'Enracinement

Alors que l’orgueil de la grandeur nationale est par nature exclusif, non transposable, la compassion est universelle par nature.

1943

Source: L'Enracinement

Si la patrie lui est présentée [au peuple] comme une chose belle et précieuse, [...] fragile, exposée au malheur, qu’il faut chérir et préserver, il s’en sentira avec raison plus proche que les autres classes sociales.

1943

Source: L'Enracinement

Dans le domaine de la souffrance, le malheur est une chose à part, spécifique, irréductible. Il est tout autre chose que la simple souffrance.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La grande énigme de la vie humaine, ce n’est pas la souffrance, c’est le malheur.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La compassion à l’égard des malheureux est une impossibilité. Quand elle se produit vraiment, c’est un miracle plus surprenant que la marche sur les eaux [...].

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le malheur rend Dieu absent pendant un temps, plus absent qu’un mort, plus absent que la lumière dans un cachot complètement ténébreux.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Il faut que l’âme continue à aimer à vide, ou du moins à vouloir aimer, fût-ce avec une partie infinitésimale d’elle-même. Alors un jour Dieu vient se montrer lui-même à elle.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Tout le mépris, toute la répulsion, toute la haine que notre raison attache au crime, notre sensibilité l’attache au malheur.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

En quiconque a été malheureux assez longtemps, il y a une complicité à l’égard de son propre malheur.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Dieu a créé par amour, pour l’amour. Dieu n’a pas créé autre chose que l’amour même et les moyens de l’amour.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le péché n’est pas une distance [avec Dieu]. C’est une mauvaise orientation du regard.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le malheur est avant tout anonyme, il prive ceux qu’il prend de leur personnalité et en fait des choses.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Les amants, les amis ont deux désirs. L’un de s’aimer tant qu’ils entrent l’un dans l’autre et ne fassent qu’un seul être. L’autre de s’aimer tant qu’ayant entre eux la moitié du globe terrestre leur union n’en souffre aucune diminution.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le seul choix offert à l’homme [...], c’est de désirer l’obéissance ou de ne pas la désirer. S’il ne la désire pas, il obéit néanmoins, [...] en tant que chose soumise à la nécessité mécanique.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Dans la beauté du monde la nécessité brute devient objet d’amour. Rien n’est beau comme la pesanteur dans les plis fugitifs des ondulations de la mer ou les plis presque éternels des montagnes.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Chaque fois que nous subissons une douleur, nous pouvons nous dire que c’est la beauté du monde, l’obéissance de la création à Dieu qui nous entrent dans le corps.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Il faut seulement savoir que l’amour est une orientation et non pas un état d’âme. Si on l’ignore on tombe dans le désespoir dès la première atteinte du malheur.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Il ne dépend pas de nous de croire en Dieu, mais seulement de ne pas accorder notre amour à de faux dieux.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

L’avenir est fait de la même substance que le présent.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

On sait bien que ce qu’on a [...] ne suffit pas à satisfaire. Mais on croit que le jour où on en aura un peu plus on sera satisfait. On le croit parce qu’on se ment à soi-même.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Il suffit de ne pas se mentir pour savoir qu’il n’y a rien ici-bas pour quoi on puisse vivre.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Il suffit de se représenter tous ses désirs satisfaits. Au bout de quelque temps, on serait insatisfait. On voudrait autre chose, et on serait malheureux de ne pas savoir quoi vouloir.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La vie telle qu’elle est faite aux hommes n’est supportable que par le mensonge. Ceux qui refusent le mensonge [...] finissent par recevoir du dehors [...] quelque chose qui permet d’accepter la vie telle qu’elle est.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le mal n’est ni la souffrance ni le péché, c’est l’un et l’autre à la fois [...] car ils sont liés, le péché fait souffrir et la souffrance rend mauvais [...].

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le mal qui est en nous, nous en transportons une partie sur les objets de notre attention et de notre désir. Et ils nous le renvoient comme si ce mal venait d’eux.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Si par l’attention et le désir nous transportons une partie de notre mal sur une chose parfaitement pure, elle ne peut pas en être souillée ; elle reste pure ; elle ne nous renvoie pas ce mal ; ainsi nous en sommes délivrés.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Ce qui est parfaitement pur ne peut pas être autre chose que Dieu présent ici-bas.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Dans l’âme où s’est produit un contact avec la pureté, toute l’horreur du mal qu’elle porte en soi se change en amour pour la pureté divine.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La pesanteur qui gouverne entièrement sur terre les mouvements de la matière est l’image de l’attachement charnel qui gouverne les tendances de notre âme.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Cette énergie solaire, nous ne pouvons pas aller la chercher, nous pouvons seulement la recevoir. C’est elle qui descend. [...] Elle est l’image de la grâce.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Nous ne pouvons pas faire d’autre effort vers le bien que de disposer notre âme à recevoir la grâce, et l’énergie nécessaire à cet effort nous est fournie par la grâce.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La monotonie n’est supportable à l’homme que par un éclairage divin. Mais par cette raison même une vie monotone est bien plus favorable au salut.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Mon ami, je ne l’ai pas voulu. [...] tu vas périr, c’est moi qui te tue, et moi je vis.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Mon ami, à présent, que fais-tu ? Tu m’appelais marchant vers la mort. Peut-être en ce moment tu m’appelles.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Ce pouvoir que j’avais, la pitié me l’a fait quitter, je l’ai mis en vos mains, et je n’ai reçu en échange, hélas, qu’une parole.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Ah ! ne devez-vous pas me rendre pitié pour pitié, préserver ce que j’aime, alors que vous l’avez promis ?

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Si vous croyez devoir punir [...], ah ! tuez-moi, moi seul, laissez la vie à mes amis.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Le monde entier par moi connaîtra, ne l’oubliez pas, comment [le pouvoir] entend la sainteté d’une promesse.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Hélas ! Je ne suis rien, et tout est sourd autour de moi.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

La détresse a fait succomber ma raison. Pardonnez, car c’est vous qui me faites tomber si bas.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

J’ai des droits sur vous ; songez que j’ai votre parole ; je suis votre sauveur. Non, non, pardon, je vous irrite ; je tairai tout cela [...], mes larmes seulement, seul droit qui reste aux malheureux.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Dès que je me tairai, ma perte sera consommée.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Jadis l’on m’entendait, [...] j’étais moi-même un homme. Et maintenant, comme une bête, dans mon plus grand besoin ma voix ne se fait pas comprendre.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Ce qu’à présent je suis, peut-être je le fus toujours.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

La mort mettra mon âme à nu. Dieu, mon âme a besoin de la chair pour cacher sa honte.

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Qui voudra recevoir un traître, puisque ceux qu’a sauvés ma trahison vont me chasser ?

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Jour qui viens si beau, sourire suspendu soudain sur ma ville [...], combien aux humains qui reçoivent ta paix, voir le jour est doux !

1968

Source: Poèmes, suivis de Venise sauvée

Avant juin, les usines vivaient sous le régime de la terreur. Cette terreur amenait fatalement les patrons, même les meilleurs, aux solutions de facilité.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Toute l’organisation du travail était comprise de manière à faire appel, chez les ouvriers, aux mobiles les plus bas : la peur, [...] l’obsession des sous, la jalousie entre camarades.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Le mouvement de juin a été avant tout une réaction de détente [...]. La crainte, la jalousie, la course aux primes ont disparu dans une assez large mesure.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La lutte des classes n’est pas simplement fonction des intérêts, la manière dont elle se déroule dépend en grande partie de l’état d’esprit qui règne dans tel ou tel milieu social.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

[...] la cadence du travail a perdu son caractère obsédant, les ouvriers ont tendance à revenir au rythme naturel du travail. [...] il y a là incontestablement un progrès moral.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Les contremaîtres, habitués à commander brutalement et qui [...] n’avaient presque jamais eu besoin de persuader se sont trouvés tout à fait désorientés.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La désaffection des techniciens à l’égard du mouvement ouvrier est [...] une des principales causes qui ont amené le patronat à reprendre confiance dans sa propre force.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Une telle expérience change d’une manière décisive le rapport des forces.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

[Le pouvoir des délégués] a [...] créé une certaine séparation entre eux et les ouvriers du rang ; de leur part la camaraderie est mêlée d’une nuance très nette de condescendance.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

[Les délégués] en arrivent tout naturellement à dominer le syndicat. Ils peuvent [...] provoquer des heurts, des conflits, des débrayages et presque des grèves.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

S’il a plu aux patrons d’instituer [...] un régime de travail tel que tout progrès moral de la classe ouvrière devait inévitablement troubler la production, ils en portent l’entière responsabilité.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

[L'organisation syndicale], si elle n’est pas responsable du passé, est responsable de l’avenir en raison de la puissance qu’elle a acquise.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Avant juin, il y avait [...] un ordre [...] fondé sur l’esclavage. L’esclavage a disparu [...] ; l’ordre lié à l’esclavage a disparu du même coup. [...] Mais l’industrie ne peut pas vivre sans ordre.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La question se pose donc d’un ordre nouveau, compatible avec les libertés nouvellement acquises, avec le sentiment renouvelé de la dignité ouvrière et de la camaraderie.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il n’est même pas de l’intérêt moral de la classe ouvrière que les ouvriers se sentent irresponsables dans l’accomplissement du travail.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Misérable qui ne comprends rien, qui ne sais rien. Viens avec moi et je t’enseignerai des choses dont tu ne te doutes pas.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Tombe à genoux devant ce lieu avec amour comme devant le lieu où existe la vérité.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Ce n’était plus l’hiver. Ce n’était pas encore le printemps. Les branches des arbres étaient nues, sans bourgeons, dans un air froid et plein de soleil.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Ce pain avait vraiment le goût du pain. Je n’ai jamais plus retrouvé ce goût.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Le vin [...] avait le goût du soleil et de la terre où était bâtie cette cité.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Il m’avait promis un enseignement, mais il ne m’enseigna rien. Nous causions de toutes sortes de choses, à bâtons rompus, comme font de vieux amis.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Un jour il me dit : « Maintenant va-t’en. » [...] Je le descendis sans rien savoir, le cœur comme en morceaux.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Je m’aperçus que je ne savais pas du tout où se trouvait cette maison. Je n’ai jamais essayé de la retrouver.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Je comprenais qu’il était venu me chercher par erreur.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Ma place n’est pas dans cette mansarde. Elle est n’importe où.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Comment savoir si je me rappelle exactement ? Il n’est pas là pour me le dire.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Je sais bien qu’il ne m’aime pas. Comment pourrait-il m’aimer ? Et pourtant au fond de moi [...] un point de moi-même, ne peut pas s’empêcher de penser [...] que peut-être, malgré tout, il m’aime.

1942

Source: La Connaissance surnaturelle

Nous avons inventé la distinction entre la justice et la charité. [...] Notre notion de la justice dispense celui qui possède de donner.

1942

Source: Attente de Dieu

Seule l’identification absolue de la justice et de l’amour rend possible à la fois [...] la compassion et la gratitude, [et] le respect de la dignité du malheur.

1942

Source: Attente de Dieu

La vertu surnaturelle de justice consiste, si on est le supérieur dans le rapport inégal des forces, à se conduire exactement comme s’il y avait égalité.

1942

Source: Attente de Dieu

Celui qui traite en égaux ceux que le rapport des forces met loin au-dessous de lui leur fait véritablement don de la qualité d’êtres humains dont le sort les privait.

1942

Source: Attente de Dieu

L’existence du mal ici-bas, loin d’être une preuve contre la réalité de Dieu, est ce qui nous la révèle dans sa vérité.

1942

Source: Attente de Dieu

La création est de la part de Dieu un acte non pas d’expansion de soi, mais de retrait, de renoncement.

1942

Source: Attente de Dieu

Dieu s’est nié en notre faveur pour nous donner la possibilité de nous nier pour lui. Cette réponse [...] est la seule justification possible à la folie d’amour de l’acte créateur.

1942

Source: Attente de Dieu

L'aumône, quand elle n’est pas surnaturelle, est semblable à une opération d’achat. Elle achète le malheureux.

1942

Source: Attente de Dieu

La sympathie du fort pour le faible [...] est contre nature.

1942

Source: Attente de Dieu

L’attention créatrice consiste à faire réellement attention à ce qui n’existe pas.

1942

Source: Attente de Dieu

Si quelqu’un veut se faire invisible, il n’a pas de moyen plus sûr que de devenir pauvre.

1942

Source: Attente de Dieu

Dans l’amour vrai, ce n’est pas nous qui aimons les malheureux en Dieu, c’est Dieu en nous qui aime les malheureux.

1942

Source: Attente de Dieu

Les hommes croient mépriser le crime et méprisent en réalité la faiblesse du malheur.

1942

Source: Attente de Dieu

Il y a un seul moyen de ne jamais recevoir que du bien. C’est de savoir [...] que les hommes qui ne sont pas animés par la pure charité sont des rouages dans l’ordre du monde à la manière de la matière inerte.

1942

Source: Attente de Dieu

Pain et pierre viennent du Christ et pénétrant à l’intérieur de notre être font entrer en nous le Christ. Pain et pierre sont amour.

1942

Source: Attente de Dieu

L’objet du véritable crime d’idolâtrie est toujours quelque chose d’analogue à l’État. C’est ce crime que le diable a proposé au Christ en lui offrant les royaumes de ce monde. Le Christ a refusé. Richelieu a accepté.

1943

Source: L'Enracinement

La littérature n’a d’intérêt que comme signe, mais elle est un signe qui ne trompe pas.

1943

Source: L'Enracinement

La perte du passé, collective ou individuelle, est la grande tragédie humaine, et nous avons jeté le nôtre comme un enfant déchire une rose.

1943

Source: L'Enracinement

Le développement de l’État épuise le pays. L’État mange la substance morale du pays, en vit, s’en engraisse, jusqu’à ce que la nourriture vienne à s’épuiser, ce qui le réduit à la langueur par la famine.

1943

Source: L'Enracinement

Nous avons vécu ce paradoxe, d’une étrangeté telle qu’on ne pouvait même pas en prendre conscience : une démocratie où toutes les institutions publiques [...] étaient ouvertement haïes et méprisées par toute la population.

1943

Source: L'Enracinement

Une idolâtrie sans amour, quoi de plus monstrueux et de plus triste ?

1943

Source: L'Enracinement

Il n’y a au fond rien de plus mélangé à la vie humaine commune et quotidienne que la philosophie, mais une philosophie implicite.

1943

Source: L'Enracinement

Poser la patrie comme un absolu que le mal ne peut souiller est une absurdité éclatante. La patrie est un fait, et un fait n’est pas un absolu.

1943

Source: L'Enracinement

Platon représente la collectivité comme quelque chose d’animal qui empêche le salut de l’âme.

1943

Source: L'Enracinement

S’il est prescrit de haïr [sa famille], en un certain sens du mot haïr, il est certainement interdit d’aimer son pays, en un certain sens du mot aimer. Car l’objet propre de l’amour, c’est le bien, et 'Dieu seul est bon'.

1943

Source: L'Enracinement

Dans les moments suprêmes [...] ceux dont la vie intérieure procède tout entière d’une même idée sont les seuls qui résistent. C’est pourquoi les systèmes totalitaires forment des hommes à toute épreuve.

1943

Source: L'Enracinement

Jamais dans cet univers il n’y a égalité de dimensions entre une obligation et son objet. L’obligation est un infini, l’objet ne l’est pas.

1943

Source: L'Enracinement

Il faut accepter la situation qui nous est faite et qui nous soumet à des obligations absolues envers des choses relatives, limitées et imparfaites.

1943

Source: L'Enracinement

Quand on assume, comme a fait la France en 1789, la fonction de penser pour l’univers, de définir pour lui la justice, on ne devient pas propriétaire de chair humaine.

1943

Source: L'Enracinement

Donner aux Français quelque chose à aimer. Et leur donner d’abord à aimer la France. Concevoir la réalité correspondant au nom de France de telle manière que telle qu’elle est, dans sa vérité, elle puisse être aimée avec toute l’âme.

1943

Source: L'Enracinement

Une doctrine ne suffit à rien, mais il est indispensable d’en avoir une, ne serait-ce que pour éviter d’être trompé par les doctrines fausses.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Les vérités fondamentales sont simples. La difficulté est dans l’application.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Quand l’homme veut une chose qu’il ne sait pas nommer, on peut très bien lui faire croire qu’il veut autre chose, et détourner le trésor de son énergie vers quelque chose d’indifférent ou de mauvais.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

La paix n’a pas de prestige ni de poésie. La justice en a.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’unique source de salut et de grandeur [...] est de retrouver son génie au fond de son malheur.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Ce qui est sacré dans l’homme, c’est l’aptitude à l’impersonnel, la faculté de passage à l’impersonnel.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Il faut une vie collective qui, tout en entourant chaque être humain de chaleur, laisse autour de lui de l’espace et du silence.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le Christ n’a pas dit : « Je suis l’orthodoxie. » Il a dit : « Je suis la vérité. »

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’histoire est basée sur la documentation, c’est-à-dire sur le témoignage des meurtriers concernant les victimes.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

La science est un effort pour apercevoir l’ordonnance de l’univers. [...] C’est un contact de la pensée humaine avec la sagesse éternelle. C’est quelque chose comme un sacrement.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Qu’est-ce que la culture ? Formation de l’attention.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

La joie est un besoin essentiel de l’âme. Le manque de joie [...] est un état de maladie où l’intelligence, le courage et la générosité s’éteignent.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’homme ne peut pas se prendre pour but lui-même. S’il l’essaie, il tombe dans la recherche du plaisir immédiat, l’indifférence, l’ennui. Il lui faut un but hors de lui.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Dans l’art, tout ce qui évoque la misère humaine dans sa vérité est infiniment touchant et beau.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le malheur n’est secouru que par miracle.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’amour de l’ordre du monde, de la beauté du monde, est [...] le complément de l’amour du prochain.

1942

Source: Attente de Dieu

Nous sommes dans l’irréalité, dans le rêve. Renoncer à notre situation centrale imaginaire [...] c’est s’éveiller au réel, à l’éternel, voir la vraie lumière, entendre le vrai silence.

1942

Source: Attente de Dieu

Le sentiment du beau, quoique mutilé, déformé et souillé, demeure irréductiblement dans le cœur de l’homme comme un puissant mobile.

1942

Source: Attente de Dieu

La beauté du monde est l’orifice du labyrinthe. [...] s’il continue à marcher, il est tout à fait sûr qu’il arrivera finalement au centre du labyrinthe. Et là, Dieu l’attend pour le manger.

1942

Source: Attente de Dieu

La beauté du monde est la coopération de la Sagesse divine à la création. [...] La beauté du monde, c’est le sourire de tendresse du Christ pour nous à travers la matière.

1942

Source: Attente de Dieu

La grande douleur de la vie humaine, c’est que regarder et manger soient deux opérations différentes.

1942

Source: Attente de Dieu

« Deux compagnons ailés, dit une Upanishad, deux oiseaux sont sur une branche d’arbre. L’un mange les fruits, l’autre les regarde. » Ces deux oiseaux sont les deux parties de notre âme.

1942

Source: Attente de Dieu

La beauté est la seule finalité ici-bas. Comme Kant a très bien dit, c’est une finalité qui ne contient aucune fin.

1942

Source: Attente de Dieu

L’art est une tentative pour transporter dans une quantité finie de matière modelée par l’homme une image de la beauté infinie de l’univers entier.

1942

Source: Attente de Dieu

Le désir d’aimer dans un être humain la beauté du monde est essentiellement le désir de l’Incarnation. C’est par erreur qu’il croit être autre chose.

1942

Source: Attente de Dieu

Tout ce qui a quelque rapport à la beauté doit être soustrait au cours du temps. La beauté est l’éternité ici-bas.

1942

Source: Attente de Dieu

Toutes les fois qu’un homme s’élève à un degré d’excellence [...], il apparaît en lui quelque chose d’impersonnel, d’anonyme. Sa voix s’enveloppe de silence.

1942

Source: Attente de Dieu

Aimons la patrie d’ici-bas. Elle est réelle ; elle résiste à l’amour. C’est elle que Dieu nous a donné à aimer. Il a voulu qu’il fût difficile et cependant possible de l’aimer.

1942

Source: Attente de Dieu

Le malheur est le déracinement.

1942

Source: Attente de Dieu

Détruire des cités [...] ou bien exclure des êtres humains de la cité [...], c’est couper tout lien de poésie et d’amour entre des âmes humaines et l’univers. [...] Il n’y a guère de crime plus grand.

1942

Source: Attente de Dieu

Cette expérience [...] a changé pour moi non pas telle ou telle de mes idées [...], mais infiniment plus, toute ma perspective sur les choses, le sentiment même que j’ai de la vie.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

On dégrade l’inexprimable à vouloir l’exprimer.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

L’attention, privée d’objets dignes d’elle, est [...] contrainte à se concentrer seconde par seconde sur un problème mesquin, toujours le même [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Quand je pense que les grands chefs [...] prétendaient créer une classe ouvrière libre et qu’aucun d’eux [...] n’avait la plus faible idée des conditions réelles qui déterminent la servitude [...], la politique m’apparaît comme une sinistre rigolade.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La tentation la plus difficile à repousser, dans une pareille vie, c’est celle de renoncer tout à fait à penser : on sent si bien que c’est l’unique moyen de ne plus souffrir !

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Faire son travail avec irritation, ce serait le faire mal, et se condamner à crever de faim ; et on n’a personne à qui s’attaquer en dehors du travail lui-même.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Ce qu’un être humain peut vous faire de pire au monde, c’est de vous infliger des souffrances qui brisent la vitalité et par conséquent la capacité de travail.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

J’ai beaucoup souffert de ces mois d’esclavage, mais je ne voudrais pour rien au monde ne pas les avoir traversés. Ils m’ont permis [...] de toucher du doigt tout ce que je n’avais pu qu’imaginer.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La vie les vend cher, les progrès qu’elle fait faire. Presque toujours au prix de douleurs intolérables.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Une usine, cela doit être [...] un endroit où on se heurte durement, douloureusement, mais quand même joyeusement à la vraie vie. Pas cet endroit morne où on ne fait qu’obéir [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Toutes les raisons extérieures [...] sur lesquelles s’appuyaient [...] le sentiment de ma dignité, le respect de moi-même, ont été [...] radicalement brisées sous le coup d’une contrainte brutale et quotidienne.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il me semblait que j’étais née pour attendre, pour recevoir, pour exécuter des ordres [...]. C’est le genre de souffrances dont aucun ouvrier ne parle : ça fait trop mal même d’y penser.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Lentement, dans la souffrance, j’ai reconquis à travers l’esclavage le sentiment de ma dignité d’être humain, un sentiment qui ne s’appuyait sur rien d’extérieur cette fois [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il faut, en se mettant devant sa machine, tuer son âme pour 8 heures par jour, sa pensée, ses sentiments, tout.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Cette situation fait que la pensée se recroqueville, se rétracte, comme la chair se rétracte devant un bistouri. On ne peut pas être « conscient ».

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Quiconque prend l’épée périra par l’épée. Et quiconque ne prend pas l’épée [...] périra sur la croix.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’abandon au moment suprême de la crucifixion, quel abîme d’amour des deux côtés !

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Là est la véritable preuve que le christianisme est quelque chose de divin.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Pour être juste, il faut être nu et mort. Sans imagination.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

On ne peut pas vouloir la croix. On pourrait vouloir n’importe quel degré d’ascétisme ou d’héroïsme, mais non pas la croix qui est souffrance pénale.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le secret de notre parenté à Dieu doit être cherché dans notre mortalité.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Dieu s’épuise [...] pour atteindre l’âme et la séduire. [...] Et quand elle est devenue une chose entièrement à lui, il l’abandonne.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ressembler à Dieu, mais à Dieu crucifié.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

C’est le rapprochement de l’humain et du divin qui appelle le châtiment.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’amour mutuel de Dieu et de l’homme est souffrance.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Pour que nous sentions la distance entre nous et Dieu, il faut que Dieu soit un esclave crucifié. Car nous ne sentons la distance que vers le bas.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Pour que l’amour soit le plus grand possible, la distance est la plus grande possible.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La justice est essentiellement non agissante. Il faut qu’elle soit transcendante ou souffrante.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

De la misère humaine à Dieu. Mais non pas comme compensation ou consolation. Comme corrélation.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

En se vidant, on s’expose à toute la pression de l’univers environnant.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il faut [...] aimer absolument tout, dans l’ensemble et dans chaque détail, y compris le mal sous toutes ses formes.

1942

Source: Attente de Dieu

Une des formes les plus dangereuses du péché [...] consiste à mettre de l’illimité dans un domaine essentiellement fini.

1942

Source: Attente de Dieu

Dieu récompense l’âme qui pense à lui avec attention et amour [...] en exerçant sur elle une contrainte [...] proportionnelle à cette attention et à cet amour.

1942

Source: Attente de Dieu

Le sentiment social ressemble à s’y méprendre au sentiment religieux. Il y ressemble comme un diamant faux à un diamant vrai.

1942

Source: Attente de Dieu

Si je ne les aime pas tels qu’ils sont, ce n’est pas eux que j’aime, et mon amour n’est pas vrai.

1942

Source: Attente de Dieu

On ne se donne pas un amour par sa volonté propre.

1942

Source: Attente de Dieu

Ce n’est pas mon affaire de penser à moi. Mon affaire est de penser à Dieu. C’est à Dieu à penser à moi.

1942

Source: Attente de Dieu

La chair pousse à dire moi et le diable pousse à dire nous.

1942

Source: Attente de Dieu

Il m’est prescrit de me trouver seule, étrangère et en exil par rapport à n’importe quel milieu humain sans exception.

1942

Source: Attente de Dieu

Si j’avais mon salut éternel posé devant moi sur cette table [...] je ne tendrais pas la main pour l’obtenir aussi longtemps que je ne penserais pas en avoir reçu l’ordre.

1942

Source: Attente de Dieu

Avoir été aux côtés du Christ [...] pendant la crucifixion me paraît un privilège beaucoup plus enviable que d’être à sa droite dans sa gloire.

1942

Source: Attente de Dieu

N’importe quel être humain [...] pénètre dans ce royaume de la vérité réservée au génie, si seulement il désire la vérité et fait perpétuellement un effort d’attention pour l’atteindre.

1942

Source: Attente de Dieu

Le Christ aime qu’on lui préfère la vérité, car avant d’être le Christ il est la vérité. Si on se détourne de lui pour aller vers la vérité, on ne fera pas un long chemin sans tomber dans ses bras.

1942

Source: Attente de Dieu

C’est dans le malheur lui-même que resplendit la miséricorde de Dieu. Tout au fond, au centre de son amertume inconsolable.

1942

Source: Attente de Dieu

La joie d’apprendre est aussi indispensable aux études que la respiration aux coureurs.

1942

Source: Attente de Dieu

Il faut accomplir le possible pour toucher l’impossible.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Les préceptes ne sont pas donnés pour être pratiqués, mais la pratique est prescrite pour l’intelligence des préceptes. Ce sont des gammes.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Les choses relatives à l’inspiration seules se nourrissent de délais. Celles relatives au devoir naturel, à la volonté ne souffrent pas de délai.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

À chaque pensée d’orgueil involontaire qu’on surprend en soi, tourner [...] le plein regard de l’attention sur le souvenir d’une humiliation [...], la plus amère, la plus intolérable possible.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il ne faut pas essayer de changer en soi ou d’effacer désirs et aversions, plaisirs et douleurs. Il faut les subir passivement, comme les sensations de couleur et sans leur accorder plus de crédit.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

[Il faut] se contraindre par violence à agir comme si on n’avait pas tel désir, telle aversion, sans essayer de persuader la sensibilité, en la contraignant d’obéir.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Je dois m’exercer à transformer le sentiment d’effort en sentiment passif de souffrance.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Les inspirations qui détournent de l’accomplissement des obligations faciles et basses viennent du mauvais côté.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le devoir nous est donné pour tuer le moi.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il faut accomplir son devoir au moment prescrit pour croire à la réalité du monde extérieur. Il faut croire à la réalité du temps. Autrement on rêve.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Si [mon imperfection] est grande au point de m’ôter la possibilité de l’effacer [...], cela doit être accepté comme tout ce qui est, d’une acceptation accompagnée d’amour.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il n’y a pas d’autre critérium parfait du bien et du mal que la prière intérieure ininterrompue.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’espérance est la connaissance que le mal qu’on porte en soi est fini et que la moindre orientation de l’âme vers le bien [...] en abolit un peu.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Infailliblement, le bien produit du bien et le mal produit du mal dans le domaine du spirituel pur.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Dans le domaine du naturel (y compris le psychologique), le bien et le mal se produisent réciproquement.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

…une analyse de l’oppression politique et sociale, de ses causes permanentes, de son mécanisme, de ses formes actuelles.

1934

Source: Oppression et Liberté

Je regrette bien maintenant de ne l’avoir pas publié. Je voulais d’abord le récrire à cause de l’imperfection de la forme...

1934

Source: Oppression et Liberté

J’ai toujours pensé qu’un jour je partirais ainsi.

1934

Source: Oppression et Liberté

...le tourment qui n’a jamais quitté [l'auteur] : le tourment de l’injustice.

1934

Source: Oppression et Liberté

Depuis Marx [...], la pensée politique et sociale n’avait rien produit en Occident de plus pénétrant et de plus prophétique.

1934

Source: Oppression et Liberté

Votre travail est de première grandeur ; il veut une suite.

1934

Source: Oppression et Liberté

Tous les concepts sont à reprendre, et toute l’analyse sociale à refaire.

1934

Source: Oppression et Liberté

Votre exemple donnera courage aux générations déçues par l’ontologie ou par l’idéologie.

1934

Source: Oppression et Liberté

Le lecteur fera lui-même l’application ; à lui les risques.

1934

Source: Oppression et Liberté

La Critique doit être sans faute et sans réplique.

1934

Source: Oppression et Liberté

La faute la plus grave [...] serait de confondre matière et forme. L’objet ne peut jamais porter la preuve.

1934

Source: Oppression et Liberté

Un travail si nouveau [...] doit se garder de toute apparence de polémique.

1934

Source: Oppression et Liberté

[Les travaux d'analyse] sont les seuls qui ouvrent l’avenir prochain et la Révolution véritable...

1934

Source: Oppression et Liberté

...l’indignation seule est capable de vous détourner de votre mission.

1934

Source: Oppression et Liberté

Retenez ce que j’ai dit : ce qui est misanthropique est faux.

1934

Source: Oppression et Liberté

Il n’y a pas d’homme si fort, si fier, si impétueux, qui ne soit dompté quand on lui a bien fait sentir qu’il ne peut rien.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

[...] la raison d’État ne leur permettait pas d’observer le serment [...].

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Je n’ai jamais vécu, puisque je n’ai pas gouverné.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Non, ce n’est pas possible, il faut vivre avant de mourir.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Ainsi la mort soudain va saisir l’âme insatisfaite.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Le ciel juste punit ceux qui méprisent leur serment. Si le ciel ne fait rien, moi, moi je saurai les punir.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Mes larmes seulement, seul droit qui reste aux malheureux.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Hélas ! Je ne suis rien, et tout est sourd autour de moi.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Dès que je me tairai, ma perte sera consommée.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Ce qu’à présent je suis, peut-être je le fus toujours.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Il n’est pas de regard devant qui je n’aie à trembler.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Dieu, mon âme a besoin de la chair pour cacher sa honte, la chair qui mange et dort, sans avenir et sans passé.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Je suis las d’être les yeux baissés. Si je veux mourir, le cœur me manque.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Mon Dieu, je ne puis mourir ni vivre. Tout mon crime est d’avoir eu pitié.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Enfin, c’est fini. Je voudrais dormir maintenant.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Jusqu’à ces temps-ci, tous ceux qui ont éprouvé le besoin d’étayer leurs sentiments révolutionnaires par des conceptions précises ont trouvé ou cru trouver ces conceptions dans Marx.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Marx rend admirablement compte du mécanisme de l’oppression capitaliste ; mais il en rend si bien compte qu’on a peine à se représenter comment ce mécanisme pourrait cesser de fonctionner.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Aussi longtemps qu’il y aura, sur la surface du globe, une lutte pour la puissance, et aussi longtemps que le facteur décisif de la victoire sera la production industrielle, les ouvriers seront exploités.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

La force que possède la bourgeoisie pour exploiter et opprimer les ouvriers réside dans les fondements mêmes de notre vie sociale, et ne peut être anéantie par aucune transformation politique et juridique.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

La complète subordination de l’ouvrier à l’entreprise [...] repose sur la structure de l’usine et non sur le régime de la propriété.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Toute notre civilisation est fondée sur la spécialisation, laquelle implique l’asservissement de ceux qui exécutent à ceux qui coordonnent ; et sur une telle base, on ne peut qu’organiser et perfectionner l’oppression, mais non pas l’alléger.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

La tâche des révolutions consiste essentiellement dans l’émancipation non pas des hommes mais des forces productives.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Croire que notre volonté converge avec une volonté mystérieuse qui serait à l’œuvre dans le monde et nous aiderait à vaincre, c’est penser religieusement, c’est croire à la Providence.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Toutes les religions font de l’homme un simple instrument de la Providence, et le socialisme lui aussi met les hommes au service du progrès historique, c’est-à-dire du progrès de la production.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

La méthode matérialiste, cet instrument que nous a légué Marx, est un instrument vierge ; aucun marxiste ne s’en est véritablement servi, à commencer par Marx lui-même.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Notre culture soi-disant scientifique nous a donné cette funeste habitude de généraliser, d’extrapoler arbitrairement, au lieu d’étudier les conditions d’un phénomène et les limites qu’elles impliquent.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

C’est uniquement l’ivresse produite par la rapidité du progrès technique qui a fait naître la folle idée que le travail pourrait un jour devenir superflu.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Le mot de révolution est un mot pour lequel on tue, pour lequel on meurt, pour lequel on envoie les masses populaires à la mort, mais qui n’a aucun contenu.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Cette contrainte inévitable ne mérite d’être nommée oppression que dans la mesure où [...] elle met les seconds à la discrétion des premiers et fait ainsi peser [...] la pression de ceux qui commandent sur ceux qui exécutent.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Le problème est donc bien clair ; il s’agit de savoir si l’on peut concevoir une organisation de la production qui [...] leur permettrait du moins de s’exercer sans écraser sous l’oppression les esprits et les corps.

1934

Source: Oppression et Liberté/05

Non pas comprendre des choses nouvelles, mais parvenir à force de patience, d’effort et de méthode à comprendre les vérités évidentes avec tout soi-même.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La vérité la plus vulgaire, quand elle envahit toute l’âme, est comme une révélation.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Essayer de remédier aux fautes par l’attention et non par la volonté.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’attention absolument sans mélange est prière.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Si on tourne l’intelligence vers le bien, il est impossible que peu à peu toute l’âme n’y soit pas attirée malgré elle.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La quantité de génie créateur d’une époque est rigoureusement proportionnelle à la quantité d’attention extrême, donc de religion authentique à cette époque.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Seul l'effort sans désir [...] enferme infailliblement une récompense.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’attention est liée au désir. Non pas à la volonté, mais au désir. Ou, plus exactement, au consentement.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La capacité de chasser une fois pour toutes une pensée est la porte de l’éternité.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le poète produit le beau par l’attention fixée sur du réel. De même l’acte d’amour.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Méthode pour comprendre les images, les symboles [...]. Non pas essayer de les interpréter, mais les regarder jusqu’à ce que la lumière jaillisse.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Nos désirs sont infinis dans leurs prétentions, mais limités par l’énergie dont ils procèdent.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La connaissance de la misère humaine est difficile au riche [...] parce qu’il est presque invinciblement porté à croire qu’il est quelque chose.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La pureté est le pouvoir de contempler la souillure.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’extrême pureté peut contempler et le pur et l’impur ; l’impureté ne peut ni l’un ni l’autre : le premier lui fait peur, le second l’absorbe.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Nous sommes une partie qui doit imiter le tout.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Tout ce qui est moindre que l’univers est soumis à la souffrance.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Que l’univers entier soit pour moi, par rapport à mon corps, ce qu’est le bâton d’un aveugle par rapport à sa main.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

On ne se détache pas, on change d’attachement. S’attacher à tout.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Que toute souffrance fasse rentrer l’univers dans le corps.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

À travers chaque sensation, sentir l’univers. Qu’importe alors que ce soit plaisir ou douleur ?

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Deux tendances limites : détruire le moi au profit de l’univers ou détruire l’univers au profit du moi.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Aimer le prochain comme soi-même ne signifie pas aimer tous les êtres également, car je n’aime pas également tous les modes d’existence de moi-même.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ne pas accepter un événement du monde, c’est désirer que le monde ne soit pas.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Désirer que le monde ne soit pas, c’est désirer que moi, tel que je suis, je sois tout.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ce « je » irréductible qui est le fond irréductible de ma souffrance, le rendre universel.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Tout ce que je désire existe, ou a existé, ou existera quelque part. [...] Dès lors, comment ne pas être comblé ?

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Je puis souiller tout l’univers de ma misère et ne pas la sentir ou la rassembler en moi.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Supporter le désaccord entre l’imagination et le fait. « Je souffre. » Cela vaut mieux que « ce paysage est laid ».

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ne pas vouloir changer son propre poids dans la balance du monde — la balance d’or de Zeus.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Nous avons perdu cette idée que la certitude absolue convient seule aux choses divines. Nous voulons la certitude pour les choses matérielles. Pour les choses qui concernent Dieu, il nous suffit de la croyance.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Notre intelligence est devenue si grossière que nous ne concevons même plus qu’il puisse y avoir une certitude authentique, rigoureuse, concernant des mystères incompréhensibles.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Les applications techniques sont [...] au nombre de ces choses qui sont obtenues seulement par surcroît et qu’on ne trouve jamais si on les cherche directement.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Il faut entrer par ces trous [la beauté, le malheur, la science pure], non par les endroits pleins.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

L’harmonie est [...] l’unité des contraires.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Si on pense Dieu seulement comme un, on le pense ou comme une chose [...] ou comme un sujet, et alors [...] il a besoin d’un objet, de sorte que la création serait nécessité et non pas amour.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Il faut reconnaître que rien dans le monde n’est le centre du monde, que le centre du monde est hors du monde, que nul ici-bas n’a le droit de dire je.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Dieu seul a le droit de dire « Je suis » ; « Je suis » est son nom et n’est le nom d’aucun autre être.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Rien n’est plus contraire à l’amitié que la solidarité [...]. Les pensées qui [...] enferment la première personne du pluriel sont encore infiniment plus éloignées de la justice que celles qui enferment la première personne du singulier.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

La réalité pour l’esprit humain n’est pas autre chose que le contact de la nécessité. [...] le sentiment de la réalité constitue une harmonie et un mystère.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

La nécessité est une ennemie pour l’homme tant qu’il pense à la première personne.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Être libres, pour nous, ce n’est pas autre chose que désirer obéir à Dieu. Toute autre liberté est un mensonge.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Tout cet univers est vide de finalité. L’âme qui, parce qu’elle est déchirée par le malheur, crie continuellement après cette finalité, touche ce vide.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Si [l'âme] ne renonce pas à aimer, il lui arrive un jour d’entendre [...] le silence même comme quelque chose d’infiniment plus plein de signification qu’aucune réponse, comme la parole même de Dieu.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Dieu est médiation, et toute médiation est Dieu. On ne peut passer de rien à rien sans passer par Dieu. Dieu est l’unique chemin. Il est la voie.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Je me demandais avec inquiétude comment j’arriverais à prendre sur moi d’écrire en me soumettant à des limites imposées [...].

1953

Source: La Source grecque

[Il m'est revenu] un vieux projet qui me tient vivement au cœur, celui de rendre les chefs-d’œuvre de la poésie grecque [...] accessibles aux masses populaires.

1953

Source: La Source grecque

J’ai senti [...] que la grande poésie grecque serait cent fois plus proche du peuple, s’il pouvait la connaître, que la littérature française classique et moderne.

1953

Source: La Source grecque

Si j’ai réussi dans mon dessein, cela doit pouvoir intéresser et toucher tout le monde — depuis le directeur jusqu’au dernier manœuvre.

1953

Source: La Source grecque

[Le lecteur] doit pouvoir pénétrer là-dedans presque de plain-pied, et cependant sans avoir jamais l’impression d’aucune condescendance [...].

1953

Source: La Source grecque

[...] sans avoir jamais l’impression [...] d’aucun effort accompli pour se mettre à sa portée.

1953

Source: La Source grecque

C’est ainsi que je comprends la vulgarisation.

1953

Source: La Source grecque

Il a semblé que ces textes, ainsi réunis, permettaient de saisir [...] ce qu’est pour Simone Weil l’esprit de la Grèce [...].

1953

Source: La Source grecque

« Par la souffrance la connaissance » est la loi souveraine qu’il a posée.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Elle se distille dans le sommeil, auprès du cœur, la peine qui est mémoire douloureuse, et même à qui n’en veut pas, vient la sagesse.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

C’est de la part des divinités une grâce que cette violence [...].

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

On ne peut pas l’atteindre, contrairement aux faux dieux.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

On peut seulement tourner la pensée vers lui, et cela suffit pour obtenir la perfection.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

La « peine qui est mémoire douloureuse », cela signifie [...] le pressentiment de la félicité éternelle, de la destination divine de l’âme.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Ce pressentiment se distille goutte à goutte dans le sommeil de l’inconscience [...].

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Au moment où on en prend conscience, on est déjà pris par la grâce, et il ne reste qu’à consentir.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Je n’ai rien à comparer, après que j’ai tout pesé, [...] si le vain poids de l’angoisse doit être rejeté réellement.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

[Quiconque], la pensée tournée vers [Dieu], dira sa gloire, celui-là recevra la plénitude de la sagesse.

1951

Source: Intuitions pré-chrétiennes

Le monde qui est au-dessus du ciel, aucun poète ne le chantera jamais dignement… Car ce qui est sans couleur, sans forme, [...] la réalité réellement réelle, ne peut être contemplée que par l’esprit.

1953

Source: La Source grecque

Par la contemplation, [l'âme] se nourrit de vérité, et elle est heureuse.

1953

Source: La Source grecque

Dans le mouvement circulaire [l'âme] voit face à face la justice elle-même, elle voit la raison, elle voit la connaissance.

1953

Source: La Source grecque

[Il faut chercher] la connaissance dans la réalité de son essence réelle, non pas celle qui est susceptible de production.

1953

Source: La Source grecque

De la justice, de la raison et des autres valeurs spirituelles, il ne se trouve aucune splendeur dans leurs images d’ici-bas.

1953

Source: La Source grecque

Par d’obscurs instruments, à grand-peine, un petit nombre d’hommes allant vers leurs images aperçoit l’essence du modèle.

1953

Source: La Source grecque

Nous saisissons [la beauté] elle-même dans son éclat manifeste, par le plus clair des sens, auquel la sagesse n’est pas visible.

1953

Source: La Source grecque

[La sagesse] susciterait de terribles amours, si elle suscitait une image manifeste d’elle-même qui entrât dans la vue.

1953

Source: La Source grecque

Le beau seul a cette destination, d’être parfaitement manifeste et parfaitement digne d’amour.

1953

Source: La Source grecque

Dans tout ce qui est purement, parfaitement et authentiquement beau ici-bas, il y a présence réelle de Dieu.

1953

Source: La Source grecque

Les autres réalités réelles aussi, l’âme les contemple et les mange … puis elle rentre chez elle.

1953

Source: La Source grecque

La réalité réellement réelle [...] ne peut être contemplée que par le guide de l’âme, par l’esprit.

1953

Source: La Source grecque

Le désir, orienté vers Dieu, est la seule force capable de faire monter l’âme. Ou plutôt c’est Dieu seul qui vient saisir l’âme et la lève, mais le désir seul oblige Dieu à descendre.

1942

Source: Attente de Dieu

Vingt minutes d’attention intense et sans fatigue valent infiniment mieux que trois heures de cette application aux sourcils froncés qui fait dire, avec le sentiment du devoir accompli : « J’ai bien travaillé. »

1942

Source: Attente de Dieu

Il y a quelque chose dans notre âme qui répugne à la véritable attention beaucoup plus violemment que la chair ne répugne à la fatigue. Ce quelque chose est beaucoup plus proche du mal que la chair.

1942

Source: Attente de Dieu

L’attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l’objet [...]. La pensée doit être vide, en attente, ne rien chercher, mais être prête à recevoir dans sa vérité nue l’objet qui va y pénétrer.

1942

Source: Attente de Dieu

Les biens les plus précieux ne doivent pas être cherchés, mais attendus. Car l’homme ne peut pas les trouver par ses propres forces, et s’il se met à leur recherche, il trouvera à la place des faux biens dont il ne saura pas discerner la fausseté.

1942

Source: Attente de Dieu

La plénitude de l’amour du prochain, c’est simplement d’être capable de lui demander : « Quel est ton tourment ? »

1942

Source: Attente de Dieu

Ce regard est d’abord un regard attentif, où l’âme se vide de tout contenu propre pour recevoir en elle-même l’être qu’elle regarde tel qu’il est, dans toute sa vérité. Seul en est capable celui qui est capable d’attention.

1942

Source: Attente de Dieu

La grande énigme de la vie humaine, ce n’est pas la souffrance, c’est le malheur. [...] il est étonnant que Dieu ait donné au malheur la puissance de saisir l’âme elle-même des innocents et de s’en emparer en maître souverain.

1942

Source: Attente de Dieu

Le malheur rend Dieu absent pendant un temps, plus absent qu’un mort [...]. Ce qui est terrible, c’est que si, dans ces ténèbres où il n’y a rien à aimer, l’âme cesse d’aimer, l’absence de Dieu devient définitive.

1942

Source: Attente de Dieu

Le mal habite dans l’âme du criminel sans y être senti. Il est senti dans l’âme de l’innocent malheureux.

1942

Source: Attente de Dieu

Les amants, les amis ont deux désirs. L’un de s’aimer tant qu’ils entrent l’un dans l’autre et ne fassent qu’un seul être. L’autre de s’aimer tant qu’ayant entre eux la moitié du globe terrestre leur union n’en souffre aucune diminution.

1942

Source: Attente de Dieu

La création est de la part de Dieu un acte non pas d’expansion de soi, mais de retrait, de renoncement. Dieu et toutes les créatures, cela est moins que Dieu seul. Dieu a accepté cette diminution.

1942

Source: Attente de Dieu

La beauté du monde est l’orifice du labyrinthe. [...] il est tout à fait sûr qu’il arrivera finalement au centre du labyrinthe. Et là, Dieu l’attend pour le manger.

1942

Source: Attente de Dieu

La grande douleur de la vie humaine, c’est que regarder et manger soient deux opérations différentes. De l’autre côté du ciel seulement, dans le pays habité par Dieu, c’est une seule et même opération.

1942

Source: Attente de Dieu

Dans l’amour vrai, ce n’est pas nous qui aimons les malheureux en Dieu, c’est Dieu en nous qui aime les malheureux.

1942

Source: Attente de Dieu

Il est une réalité située hors du monde, c’est-à-dire hors de l’espace et du temps, hors de l’univers mental de l’homme, hors de tout le domaine que les facultés humaines peuvent atteindre.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

À cette réalité répond au centre du cœur de l’homme cette exigence d’un bien absolu qui y habite toujours et ne trouve jamais aucun objet en ce monde.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

De même que la réalité de ce monde-ci est l’unique fondement des faits, de même l’autre réalité est l’unique fondement du bien.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Tous les êtres humains sont absolument identiques pour autant qu’ils peuvent être conçus comme constitués par une exigence centrale de bien autour de laquelle est disposée de la matière psychique et charnelle.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le respect ne peut trouver ici-bas aucune espèce d’expression directe. S’il n’est pas exprimé, il n’a pas d’existence.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Il existe pour le respect [...] une seule possibilité d’expression indirecte, qui est fournie par les besoins des hommes en ce monde-ci, les besoins terrestres de l’âme et du corps.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

À chaque besoin répond une obligation. À chaque obligation correspond un besoin. Il n’est pas d’autre espèce d’obligation relative aux choses humaines.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Les besoins d’un être humain sont sacrés. Leur satisfaction ne peut être subordonnée ni à la raison d’État, ni à aucune considération soit d’argent, soit de nationalité, soit de race, soit de couleur [...].

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’âme humaine a besoin d’égalité et de hiérarchie.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’âme humaine a besoin d’obéissance consentie et de liberté.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le besoin de vérité exige [...] l’interdiction absolue de toute propagande sans exception.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’existence d’une classe sociale définie par le manque de propriété personnelle et collective est aussi honteuse que l’esclavage.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’âme humaine a besoin de sécurité et de risque. La peur [...] est une maladie de l’âme. L’ennui causé par l’absence de tout risque est aussi une maladie de l’âme.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Est criminel tout ce qui a pour effet de déraciner un être humain ou d’empêcher qu’il ne prenne racine.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le critère permettant de reconnaître que quelque part les besoins des êtres humains sont satisfaits, c’est un épanouissement de fraternité, de joie, de beauté, de bonheur.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le déracinement est de loin la plus dangereuse maladie des sociétés humaines, car il se multiplie lui-même.

1943

Source: L'Enracinement

Qui est déraciné déracine. Qui est enraciné ne déracine pas.

1943

Source: L'Enracinement

Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser qu’à l’avenir. [...] L’opposition entre l’avenir et le passé est absurde.

1943

Source: L'Enracinement

Pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous.

1943

Source: L'Enracinement

De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé.

1943

Source: L'Enracinement

La destruction du passé est peut-être le plus grand crime.

1943

Source: L'Enracinement

L’amour du passé n’a rien à voir avec une orientation politique réactionnaire. [...] la révolution puise toute sa sève dans une tradition.

1943

Source: L'Enracinement

Un système social est profondément malade quand un paysan travaille la terre avec la pensée que, s’il est paysan, c’est parce qu’il n’était pas assez intelligent pour devenir instituteur.

1943

Source: L'Enracinement

Le malheur est un bouillon de culture pour faux problèmes. Il suscite des obsessions. Le moyen de les apaiser n’est pas de fournir ce qu’elles réclament, mais de faire disparaître le malheur.

1943

Source: L'Enracinement

Ce qui rend notre culture si difficile à communiquer au peuple, ce n’est pas qu’elle soit trop haute, c’est qu’elle est trop basse.

1943

Source: L'Enracinement

La vérité illumine l’âme à proportion de sa pureté et non pas d’aucune espèce de quantité. [...] Un peu de vérité pure vaut autant que beaucoup de vérité pure.

1943

Source: L'Enracinement

L’art de transposer les vérités est un des plus essentiels et des moins connus. [...] Ce qui ne peut pas être transposé n’est pas une vérité.

1943

Source: L'Enracinement

Le déracinement engendre l’idolâtrie.

1943

Source: L'Enracinement

Le penchant de la nature humaine est de ne pas faire attention aux malheureux.

1943

Source: L'Enracinement

Il y a une certaine relation avec le temps qui convient aux choses inertes, et une autre qui convient aux créatures pensantes. On a tort de les confondre.

1943

Source: L'Enracinement

« La souveraineté réside dans la nation. » De quelque manière qu’on retourne cette phrase, je défie qu’on lui trouve aucun sens.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Il n’est pas désirable que la nation soit souveraine, mais uniquement la justice.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

« La justice est la souveraineté de la souveraineté. C’est pourquoi par la justice le faible atteint celui qui est très puissant, comme par une ordonnance royale. »

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Ce qui est souverain en fait, c’est la force, qui est toujours aux mains d’une petite fraction de la nation. Ce qui doit être souverain, c’est la justice.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Toutes les constitutions politiques [...] ont pour unique fin ― si elles sont légitimes ― d’empêcher ou au moins de limiter l’oppression à laquelle la force incline naturellement.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Et quand il y a oppression, ce n’est pas la nation qui est opprimée. C’est un homme, et un homme, et un homme. La nation n’existe pas ; comment serait-elle souveraine ?

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Il ne peut y avoir un pouvoir judiciaire que : 1o si les magistrats reçoivent une formation spirituelle ; 2o si on admet que le jugement en équité [...] est la forme normale de jugement.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Tout homme qui a le pouvoir de brimer ou de tromper des hommes doit être obligé à prendre l’engagement de ne pas le faire.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

C’est un des préjugés les plus stupides de notre époque que d’accorder une valeur spirituelle à des réputations fondées sur des travaux étroitement spécialisés [...].

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

La mainmise totale des partis sur la vie publique est ce qui nous a fait le plus de mal. Il serait étrange de la consacrer officiellement dans le texte même de la Constitution.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’intelligence humaine — même chez les plus intelligents — est misérablement au-dessous des grands problèmes de la vie publique.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Avoir à se demander devant un problème politique : « Quelle est la solution la plus conforme à la raison, à la justice, au bien public », cela exige toute l’attention dont un esprit humain est capable et beaucoup davantage.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

La conformité au bien public n’est assurée par aucun mécanisme. Une préoccupation intense et exclusive du bien public en est la condition absolument indispensable.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Une Constitution est uniquement destinée à combiner les dispositions les plus propres à amener au pouvoir des hommes soucieux du bien public.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Au lieu de « La souveraineté politique réside dans la nation » je proposerais « La légitimité est constituée par le libre consentement du peuple à l’ensemble des autorités auxquelles il est soumis ».

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’obéissance est un besoin vital de l’âme humaine.

1943

Source: L'Enracinement

L'obéissance [...] suppose le consentement, non pas à l’égard de chacun des ordres reçus, mais un consentement accordé une fois pour toutes.

1943

Source: L'Enracinement

Il faut que [...] le consentement et non pas la crainte du châtiment ou l’appât de la récompense constitue en fait le ressort principal de l’obéissance.

1943

Source: L'Enracinement

Il faut que la soumission ne soit jamais suspecte de servilité.

1943

Source: L'Enracinement

Il faut qu’il soit connu aussi que ceux qui commandent obéissent de leur côté.

1943

Source: L'Enracinement

Il faut que toute la hiérarchie soit orientée vers un but dont la valeur et même la grandeur soit sentie par tous, du plus haut au plus bas.

1943

Source: L'Enracinement

L’obéissance étant une nourriture nécessaire à l’âme, quiconque en est définitivement privé est malade.

1943

Source: L'Enracinement

Toute collectivité régie par un chef souverain qui n’est comptable à personne se trouve entre les mains d’un malade.

1943

Source: L'Enracinement

Là où un homme est placé pour la vie à la tête de l’organisation sociale, il faut qu’il soit un symbole et non un chef.

1943

Source: L'Enracinement

Ceux qui soumettent des masses humaines par la contrainte et la cruauté les privent à la fois de deux nourritures vitales, liberté et obéissance.

1943

Source: L'Enracinement

Il n’est plus au pouvoir de ces masses d’accorder leur consentement intérieur à l’autorité qu’elles subissent.

1943

Source: L'Enracinement

Ceux qui favorisent un état de choses où l’appât du gain soit le principal mobile enlèvent aux hommes l’obéissance [...].

1943

Source: L'Enracinement

Le consentement qui est le principe [de l'obéissance] n’est pas une chose qui puisse se vendre.

1943

Source: L'Enracinement

Mille signes montrent que les hommes de notre époque étaient depuis longtemps affamés d’obéissance. Mais on en a profité pour leur donner l’esclavage.

1943

Source: L'Enracinement

Il est contre nature que la terre soit cultivée par des êtres déracinés.

1943

Source: L'Enracinement

Rien au monde ne compense la perte de la joie au travail.

1943

Source: L'Enracinement

Le dépeuplement des campagnes, à la limite, aboutit à la mort sociale.

1943

Source: L'Enracinement

Les populations malheureuses [...] ont besoin de grandeur encore plus que de pain, et il n’y a que deux espèces de grandeur, la grandeur authentique, qui est d’ordre spirituel, et le vieux mensonge de la conquête du monde.

1943

Source: L'Enracinement

Notre époque est tellement empoisonnée de mensonge qu’elle change en mensonge tout ce qu’elle touche.

1943

Source: L'Enracinement

Si on donne à choisir aux hommes entre le beurre et les canons, [...] une fatalité mystérieuse les contraint malgré eux à choisir les canons.

1943

Source: L'Enracinement

La beauté est quelque chose qui se mange ; c’est une nourriture.

1943

Source: L'Enracinement

En allant au fond des choses, il n’y a pas de véritable dignité qui n’ait une racine spirituelle et par suite d’ordre surnaturel.

1943

Source: L'Enracinement

On peut dire beaucoup de choses de notre malheur, mais non qu’il soit immérité.

1943

Source: L'Enracinement

La tâche de l’école populaire est de donner au travail davantage de dignité en y infusant de la pensée, et non pas de faire du travailleur une chose à compartiments qui tantôt travaille et tantôt pense.

1943

Source: L'Enracinement

Notre époque a pour mission propre, pour vocation, la constitution d’une civilisation fondée sur la spiritualité du travail.

1943

Source: L'Enracinement

C’est parce que nous n’avons pas été à la hauteur de cette grande chose qui était en train d’être enfantée en nous que nous nous sommes jetés dans l’abîme des systèmes totalitaires.

1943

Source: L'Enracinement

Il vaut mieux échouer que réussir à faire du mal.

1943

Source: L'Enracinement

Le courant idolâtre du totalitarisme ne peut trouver d’obstacle que dans une vie spirituelle authentique.

1943

Source: L'Enracinement

Une civilisation constituée par une spiritualité du travail serait le plus haut degré d’enracinement de l’homme dans l’univers, par suite l’opposé de l’état où nous sommes, qui consiste en un déracinement presque total.

1943

Source: L'Enracinement

Percevoir chaque être humain [...] comme une prison où habite un prisonnier, avec tout l’univers autour.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Reconnaître son frère dans un inconnu, reconnaître Dieu dans l’univers.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Être continuellement prêt à admettre qu’un autre est autre chose que ce qu’on lit en lui [...], peut-être tout autre chose.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Chaque être crie en silence pour être lu autrement.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

On lit, mais aussi on est lu par autrui. Interférences de ces lectures.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Forcer quelqu’un à se lire soi-même comme on le lit (esclavage). Forcer les autres à vous lire comme on se lit soi-même (conquête).

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La charité et l’injustice ne se définissent que par des lectures — et ainsi échappent à toute définition.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Qui peut se flatter qu’il lira juste ?

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Quelle est la différence entre le juste et l’injuste si tous se conduisent toujours conformément à la justice qu’ils lisent ?

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Cause des mauvaises lectures : l’opinion publique, les passions.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Quel espoir a l’innocence si elle n’est pas reconnue ?

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La lecture — sauf une certaine qualité d’attention — obéit à la pesanteur.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Lectures superposées : lire la nécessité derrière la sensation, lire l’ordre derrière la nécessité, lire Dieu derrière l’ordre.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Tout jugement juge celui qui le porte.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

On ne reçoit pas contre la victime le témoignage du meurtrier.

1942

Source: Attente de Dieu

Nous prenons grand soin de maintenir toujours autour de nos âmes le vêtement des pensées charnelles et sociales ; si nous l’écartions un moment nous devrions mourir de honte.

1942

Source: Attente de Dieu

Seuls quelques êtres parfaits sont morts et nus ici-bas, de leur vivant.

1942

Source: Attente de Dieu

J’ai créé les quatre vents pour que tout homme puisse respirer comme son frère [...] j’ai créé tout homme pareil à son frère.

1942

Source: Attente de Dieu

Je n’ai laissé personne affamé. Je n’ai causé de peur à personne. Je n’ai fait pleurer personne. [...] Je ne me suis pas rendu sourd à des paroles justes et vraies.

1942

Source: Attente de Dieu

La compassion surnaturelle pour les hommes ne peut être qu’une participation à la compassion de Dieu, qui est la Passion.

1942

Source: Attente de Dieu

Maintenant on peut peut-être affirmer que le globe terrestre tout entier est déraciné et veuf de son passé.

1942

Source: Attente de Dieu

[Certains] préjugés infiltrés dans la substance même du christianisme ont déraciné l’Europe, l’ont coupée de son passé millénaire.

1942

Source: Attente de Dieu

Ce n’était pas contre l’idolâtrie que le Christ avait lancé le feu de son indignation, c’était contre les pharisiens [...]. « Vous avez enlevé la clef de la connaissance. »

1942

Source: Attente de Dieu

[Il y a le] besoin du vêtement, fait de chair et surtout de chaleur collective, qui protège contre la lumière le mal que chacun porte en soi.

1942

Source: Attente de Dieu

[Il y a] des êtres qu’un excès de beauté et de pureté destine au malheur.

1942

Source: Attente de Dieu

Chaque fois qu’un peuple envahisseur s’est soumis à l’esprit du lieu [...], il y a eu civilisation. Chaque fois qu’il a préféré son ignorance orgueilleuse, il y a eu barbarie.

1942

Source: Attente de Dieu

[La guerre de Troie] fut le péché originel des Grecs, leur remords. Par ce remords les bourreaux méritèrent d’hériter en partie de l’inspiration de leurs victimes.

1942

Source: Attente de Dieu

À la révélation surnaturelle [certains] opposent un refus, car il ne leur faut pas un Dieu qui parle à l’âme dans le secret, mais un Dieu présent à la collectivité.

1942

Source: Attente de Dieu

Le sacrifice, c’est moi-même présent dans ce corps.

1942

Source: Attente de Dieu

Non seulement les hommes, mais la matière inerte elle-même obéit à Dieu librement et par amour. [...] C’est une conception [...] que nous avons perdue, et qui, si elle était présente en nous, anéantirait l’opposition néfaste entre science et religion.

1953

Source: La Source grecque

Un feu qui descend est contre nature. Par là la foudre est l’image de la folie d’amour qui contraint Dieu à un mouvement descendant vers les hommes.

1953

Source: La Source grecque

Zeus, étant sur le point de créer, s’est changé en Amour ; car en composant l’ordre du monde à partir des contraires, il l’a conduit à l’accord et à l’amitié [...].

1953

Source: La Source grecque

[...] la nécessité mécanique qui détermine la matière [...] est une image de la justice divine. Platon avait conservé cette pensée. Notre science l’a perdue, coupant ainsi tout lien avec la vie spirituelle.

1953

Source: La Source grecque

L’harmonie est l’unité d’un mélange de plusieurs, et la pensée unique de pensants séparés.

1953

Source: La Source grecque

L’amitié est une égalité faite d’harmonie.

1953

Source: La Source grecque

Toutes les choses connues ont un nombre. [...] Car rien ne peut être pensé ni connu sans le nombre.

1953

Source: La Source grecque

[...] la signification véritable de la mathématique grecque primitive, fondement de notre science, était religieuse.

1953

Source: La Source grecque

L’unique alternative à cette interprétation est d’admettre que les Grecs écrivaient des choses incohérentes [...]. Nous avons fait l’erreur de les juger d’après nous-mêmes.

1953

Source: La Source grecque

La réalité de l’univers sensible est constituée par une nécessité dont les lois sont l’expression symbolique des mystères de la foi.

1953

Source: La Source grecque

La quantité de textes [...] aujourd’hui totalement inintelligibles contenus dans le Nouveau Testament montre manifestement qu’une partie infiniment précieuse de la doctrine chrétienne a disparu.

1953

Source: La Source grecque

Pour neutraliser une foi, il n’y a pas de procédé plus admirable que de commencer par exterminer la plupart de ceux qui la transmettent, et ensuite d’en faire la doctrine officielle d’un État idolâtre.

1953

Source: La Source grecque

Si vraiment les portes de l’Enfer n’ont pas prévalu, cela peut seulement signifier que la vraie foi vit encore en secret au cœur de quelques êtres cachés. Mais bien cachés.

1953

Source: La Source grecque

Il est extraordinaire qu’on donne l’adoption officielle du christianisme par l’Empire comme une preuve que le sang des martyrs l’avait emporté [...], alors qu’au contraire c’est la preuve que les persécutions avaient réussi à un point inouï.

1953

Source: La Source grecque

Les choses semblables et de même espèce n’ont nullement besoin d’harmonie. Celles qui ne sont ni semblables, ni de même espèce, ni de même rang, il est nécessaire qu’elles soient tenues sous clef par une harmonie [...].

1953

Source: La Source grecque

Les êtres pensants sans exception tendent à exercer tout le pouvoir qu’il leur est possible d’exercer. Cela [...] est la loi des êtres pensants, comme la pesanteur est la loi de la matière.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Le vainqueur vit son rêve, le vaincu vit le rêve d’autrui.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

La pitié n’a jamais arrêté personne. C’est une émotion superficielle de la sensibilité [...] qui ne pénètre jamais au fond de l’âme.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Ceux qui disent avoir été arrêtés dans une action par la pitié, ils emploient ce mot pour déguiser leur peur.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Les hommes d’action et d’entreprise sont des rêveurs ; ils préfèrent le rêve à la réalité. Mais, par les armes, ils contraignent les autres à rêver leurs rêves.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

L’on aime celui dont on dépend absolument.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Il faut que le sol leur manque sous les pieds soudain et pour toujours, qu’ils ne puissent trouver un équilibre qu’en vous obéissant.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Déraciner les peuples conquis a toujours été, sera toujours la politique des conquérants.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Beaucoup de grands hommes ont éprouvé un instant de pitié [...] sur le point d’accomplir une grande action. Cela ne les a jamais fait hésiter.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Ils se prennent au sérieux. Et dès maintenant ils n’existent plus, ce sont des ombres.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Ce qu’un homme peut faire de plus grand [...] c’est, puisqu’il ne peut créer de telles merveilles, de préserver celles qui existent.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Jamais cité n’a été préservée par la pitié d’un ennemi.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Ce qu’a tué le fer, nul soleil ne le voit plus.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Ayant tous vu souiller ou tuer des êtres chers, chacun se hâtera de se soumettre à ce qu’il hait.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Le moment décisif approche ; tous ces gens sont pour moi comme des fourmis. Ce sont des ombres. Ils croient qu’ils existent, mais ils se trompent.

1968

Source: Poèmes suivis de Venise sauvée/Venise sauvée

Les êtres que j’aime sont des créatures. Ils sont nés du hasard. Ma rencontre avec eux est aussi un hasard.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Savoir cela de toute son âme et ne pas les aimer moins.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Imiter Dieu qui aime infiniment les choses finies en tant que choses finies.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Nous voudrions que tout ce qui a une valeur fût éternel. Or tout ce qui a une valeur est le produit d’une rencontre [...].

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La méditation sur le hasard qui a fait rencontrer mon père et ma mère est plus salutaire encore que celle de la mort.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La permanence complète et l’extrême fragilité donnent également le sentiment de l’éternité.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

[...] il est intolérable de se représenter ce qu’il y a de plus précieux dans le monde livré au hasard.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

C’est parce que cela est intolérable que cela doit être contemplé. La création, c’est cela même.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le seul bien qui ne soit pas sujet au hasard est celui qui est hors du monde.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La vulnérabilité des choses précieuses est belle parce que la vulnérabilité est une marque d’existence.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Savoir que le plus précieux n’est pas enraciné dans l’existence. Cela est beau. Pourquoi ? Projette l’âme hors du temps.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La femme qui souhaite un enfant [...] l’obtient, mais elle meurt et l’enfant est livré à une belle-mère.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’ennui est la lèpre morale qui ronge les campagnes à notre époque. (Les villes aussi d’ailleurs.)

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

On dit que le travail est une prière. C’est facile à dire. Mais en fait ce n’est vrai qu’à certaines conditions rarement réalisées.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

L’élément cosmique est tellement absent du christianisme tel qu’il est couramment pratiqué qu’on pourrait oublier que l’univers a été créé par Dieu.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Il s’agit de transformer [...] la vie quotidienne elle-même en une métaphore à signification divine, en une parabole.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le travail manuel est ou bien une servitude dégradante pour l’âme, ou bien un sacrifice.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le travail, s’il est exécuté comme un sacrifice, vaut n’importe quel sacrifice.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La lumière du soleil a toujours été regardée comme la meilleure image possible de la grâce de Dieu [...].

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Par là toute nourriture est une image de la communion, une image du sacrifice par excellence, à savoir l’Incarnation du Christ.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La pensée de Dieu doit d’abord être dans une vie humaine comme le levain dans la pâte [...] — un infiniment petit en apparence.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le malheur est pour beaucoup [...] un obstacle plus difficile à surmonter que le crime.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

En dehors de l’Eucharistie il y a une autre circonstance où le pain devient la chair du Christ. C’est quand il est donné aux malheureux dans un mouvement de compassion pure.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Le christianisme n’imprégnera la société que si chaque catégorie sociale a son lien spécifique, unique, inimitable avec le Christ.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Les étudiants et « intellectuels » [...] ont pour lien avec Lui la parole « Je suis la Vérité ». (Ce n’est pas une petite responsabilité.)

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

Ceux qui ont un pouvoir [...] ont le droit de punir à condition seulement que le Christ habite réellement dans leur âme [...].

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

La vie sociale apparaîtrait comme un édifice de vocations distinctes convergeant dans le Christ.

1962

Source: Pensées désordonnées concernant l'amour de Dieu

[...] le socialisme qui est la « souveraineté économique des travailleurs et non pas celle de la machine bureaucratique et militaire de l’État ».

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

On ne voit pas [...] comment un mode de production fondé sur la subordination de ceux qui exécutent à ceux qui coordonnent pourrait ne pas produire une structure sociale définie par la dictature d’une caste bureaucratique.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Étant donné qu’une défaite risquerait d’anéantir, pour une période indéfinie, tout ce qui fait à nos yeux la valeur de la vie humaine, il est clair que nous devons lutter par tous les moyens qui nous semblent [...] efficaces.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

L’attention, privée d’objets dignes d’elle, est par contre contrainte à se concentrer seconde par seconde sur un problème mesquin, toujours le même [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Quand je pense que les grands chefs bolcheviks prétendaient créer une classe ouvrière libre et qu’aucun d’eux [...] n’avait sans doute mis le pied dans une usine [...], la politique m’apparaît comme une sinistre rigolade.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La tentation la plus difficile à repousser, dans une pareille vie, c’est celle de renoncer tout à fait à penser : on sent si bien que c’est l’unique moyen de ne plus souffrir !

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Ce qu’un être humain peut vous faire de pire au monde, c’est de vous infliger des souffrances qui brisent la vitalité et par conséquent la capacité de travail.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Une usine, cela doit être [...] un endroit où on se heurte durement, douloureusement, mais quand même joyeusement à la vraie vie. Pas cet endroit morne où on ne fait qu’obéir, briser sous la contrainte tout ce qu’on a d’humain [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Toutes les raisons extérieures [...] sur lesquelles s’appuyaient pour moi le sentiment de ma dignité, le respect de moi-même ont été [...] radicalement brisées sous le coup d’une contrainte brutale et quotidienne.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il n'en est pas résulté en moi des mouvements de révolte. Non, mais au contraire la chose au monde que j’attendais le moins de moi-même — la docilité. Une docilité de bête de somme résignée.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Il y a deux facteurs, dans cet esclavage : la vitesse et les ordres. La vitesse [...] interdit de laisser cours non seulement à la réflexion, mais même à la rêverie. Il faut, en se mettant devant sa machine, tuer son âme pour 8 heures par jour.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Un sourire, une parole de bonté, un instant de contact humain ont plus de valeur que les amitiés les plus dévouées parmi les privilégiés [...]. Là seulement on sait ce que c’est que la fraternité humaine.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Car la réalité de la vie, ce n’est pas la sensation, c’est l’activité — j’entends l’activité et dans la pensée et dans l’action.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Qui donc, dans le mouvement ouvrier ou soi-disant tel, a eu le courage de penser et de dire, pendant la période des hauts salaires, qu’on était en train d’avilir et de corrompre la classe ouvrière ?

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Non seulement que l’homme sache ce qu’il fait — mais si possible qu’il en perçoive l’usage — qu’il perçoive la nature modifiée par lui. Que pour chacun son propre travail soit un objet de contemplation.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Le tragique de cette situation, c’est que le travail est trop machinal pour offrir matière à la pensée, et que néanmoins il interdit toute autre pensée.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Penser, c’est aller moins vite ; or il y a des normes de vitesse, établies par des bureaucrates impitoyables, et qu’il faut réaliser [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

On vit à l’usine dans une subordination perpétuelle et humiliante, toujours aux ordres des chefs.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

J’ai le sentiment [...] de m’être échappée d’un monde d’abstractions et de me trouver parmi des hommes réels — bons ou mauvais, mais d’une bonté ou d’une méchanceté véritable.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La bonté [...] est quelque chose de réel quand elle existe ; car le moindre acte de bienveillance [...] exige qu’on triomphe de la fatigue, de l’obsession du salaire, de tout ce qui accable et incite à se replier sur soi.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Là, la tendance serait plutôt de payer pour ne pas penser ; alors, quand on aperçoit un éclair d’intelligence, on est sûr qu’il ne trompe pas.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Car la réalité de la vie, ce n’est pas la sensation, c’est l’activité — j’entends l’activité et dans la pensée et dans l’action.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Ceux qui vivent de sensations ne sont, matériellement et moralement, que des parasites par rapport aux hommes travailleurs et créateurs, qui seuls sont des hommes.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

[La recherche de la sensation] amène à considérer les êtres aimés comme de simples occasions de jouir ou de souffrir [...]. On vit au milieu de fantômes. On rêve au lieu de vivre.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

L’essentiel de l’amour, cela consiste en somme en ceci qu’un être humain se trouve avoir un besoin vital d’un autre être [...]. Dès lors le problème est de concilier un pareil besoin avec la liberté [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Ma conclusion [...] n’est pas qu’il faut fuir l’amour, mais qu’il ne faut pas le rechercher, et surtout quand on est très jeune.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Tant qu’on est incapable de travail suivi, on n’est bon à rien dans aucun domaine.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Souffrir, cela n’a pas d’importance [...]. Ce qui importe, c’est de ne pas rater sa vie. Or pour ça, il faut se discipliner.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Je me suis aperçue [...] combien il est paralysant et humiliant de manquer de vigueur, d’adresse, de sûreté dans le coup d’œil.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Sans un pareil exercice [physique], on se sent singulièrement incomplet.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La propagande ne vise pas à susciter une inspiration ; elle ferme [...] tous les orifices par où une inspiration pourrait passer ; elle gonfle l’âme tout entière avec du fanatisme.

1943

Source: L'Enracinement

Vouloir conduire des créatures humaines [...] vers le bien en indiquant seulement la direction, sans avoir veillé à assurer la présence des mobiles correspondants, c’est comme si l’on voulait [...] faire avancer une auto vide d’essence.

1943

Source: L'Enracinement

Il arrive qu’une pensée [...] travaille sourdement l’âme et pourtant n’agit sur elle que faiblement. Si l’on entend formuler cette pensée hors de soi-même, par autrui [...], elle en reçoit une force centuplée.

1943

Source: L'Enracinement

Un gouvernement qui emploie des paroles, des pensées trop élevées pour lui, loin d’en recevoir un éclat quelconque, les discrédite et se ridiculise.

1943

Source: L'Enracinement

Toute inspiration réelle passe dans les muscles et sort en actions.

1943

Source: L'Enracinement

La foi est plus réaliste que la politique réaliste. Qui n’en a pas la certitude n’a pas la foi.

1943

Source: L'Enracinement

Une vérité n’apparaît jamais que dans l’esprit d’un être humain particulier. [...] Un homme qui a quelque chose de nouveau à dire [...] ne peut être d’abord écouté que de ceux qui l’aiment.

1943

Source: L'Enracinement

Le malheur est un immense prestige quand celui de la force s’y joint. Le malheur des faibles n’est même pas un objet d’attention ; si toutefois il n’est pas un objet de répulsion.

1943

Source: L'Enracinement

L’histoire n’est pas autre chose qu’une compilation des dépositions faites par les assassins relativement à leurs victimes et à eux-mêmes.

1943

Source: L'Enracinement

Le seul châtiment capable de punir [l'oppresseur] [...], c’est une transformation si totale du sens de la grandeur qu’il en soit exclu. [...] Pour contribuer à cette transformation, il faut l’avoir accomplie en soi-même.

1943

Source: L'Enracinement

Peut-on admirer sans aimer ? Et si l’admiration est un amour, comment ose-t-on aimer autre chose que le bien ?

1943

Source: L'Enracinement

Le dogme du progrès déshonore le bien en en faisant une affaire de mode.

1943

Source: L'Enracinement

L’histoire est un tissu de bassesses et de cruautés où quelques gouttes de pureté brillent de loin en loin.

1943

Source: L'Enracinement

Le pouvoir n’est pas une fin. Par nature, par essence, par définition, il constitue exclusivement un moyen.

1943

Source: L'Enracinement

Seul le désir de la perfection a la vertu de détruire dans l’âme une partie du mal qui la souille. De là le commandement du Christ : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »

1943

Source: L'Enracinement

Je n’ai aucune envie de partir. Je partirai avec angoisse.

1942

Source: Attente de Dieu

[...] il me semble que c’est la décision de rester qui serait de ma part un acte de volonté propre.

1942

Source: Attente de Dieu

Mon plus grand désir est de perdre non seulement toute volonté, mais tout être propre.

1942

Source: Attente de Dieu

Il me semble que quelque chose me dit de partir. Comme je suis tout à fait sûre que ce n’est pas la sensibilité, je m’y abandonne.

1942

Source: Attente de Dieu

J’espère que cet abandon, même si je me trompe, me mènera finalement à bon port.

1942

Source: Attente de Dieu

Ce que j’appelle bon port, [...], c’est la croix.

1942

Source: Attente de Dieu

S’il ne peut m’être donné un jour de mériter avoir part à celle du Christ, au moins celle du bon larron.

1942

Source: Attente de Dieu

De tous les êtres autres que le Christ dont il est question dans l’Évangile, le bon larron est de loin celui que j’envie davantage.

1942

Source: Attente de Dieu

Avoir été aux côtés du Christ [...] pendant la crucifixion me paraît un privilège beaucoup plus enviable que d’être à sa droite dans sa gloire.

1942

Source: Attente de Dieu

Il suffit à mon amitié pour vous que vous existiez.

1942

Source: Attente de Dieu

Je ne pourrai pas m’empêcher de penser avec une vive angoisse à tous ceux que j’aurai laissés [...]. Mais cela aussi est sans importance.

1942

Source: Attente de Dieu

Il est impossible de penser à vous sans penser à Dieu.

1942

Source: Attente de Dieu

[...] dans ce départ, [il s'agit] de tout autre chose [...] que de fuir les souffrances et les dangers.

1942

Source: Attente de Dieu

Mon angoisse vient précisément de la crainte de faire en partant, malgré moi et à mon insu, ce que je voudrais par-dessus tout ne pas faire — à savoir fuir.

1942

Source: Attente de Dieu

Je suis [...] sûre qu’il y a un Dieu, en ce sens que je suis [...] sûre que mon amour n’est pas illusoire.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Je suis [...] sûre qu’il n’y a pas de Dieu, en ce sens que [...] rien de réel ne ressemble à ce que je peux concevoir quand je prononce ce nom.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Il y a deux athéismes dont l’un est une purification de la notion de Dieu.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Entre deux hommes qui n’ont pas l’expérience de Dieu, celui qui le nie en est peut-être le plus près.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le faux Dieu qui ressemble en tout au vrai, excepté qu’on ne le touche pas, empêche à jamais d’accéder au vrai.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Croire en un Dieu qui ressemble en tout au vrai, excepté qu’il n’existe pas, car on ne se trouve pas au point où Dieu existe.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Les erreurs de notre époque sont du christianisme sans surnaturel.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La religion en tant que source de consolation est un obstacle à la véritable foi : en ce sens l’athéisme est une purification.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Je dois être athée avec la partie de moi-même qui n’est pas faite pour Dieu.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Parmi les hommes chez qui la partie surnaturelle d’eux-mêmes n’est pas éveillée, les athées ont raison et les croyants ont tort.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

[Celui qui a été longtemps torturé], s'il a cru à la miséricorde de Dieu, ou bien il n'y croit plus, ou bien il la conçoit tout autrement qu'auparavant.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Je dois tendre à avoir de la miséricorde divine une conception qui ne s’efface pas, qui ne change pas, quelque événement que le destin envoie sur moi.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Je dois tendre à avoir une conception [de la foi] qui puisse être communiquée à n’importe quel être humain.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Les contradictions auxquelles l’esprit se heurte, seules réalités, critérium du réel. [...] La contradiction est l’épreuve de la nécessité.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La contradiction éprouvée jusqu’au fond de l’être, c’est le déchirement, c’est la croix.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Tout bien véritable comporte des conditions contradictoires, et par suite est impossible. Celui qui tient son attention vraiment fixée sur cette impossibilité et agit fera le bien.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Si je veux voir à la fois le lac et la forêt, je dois monter plus haut. Seulement la montagne n’existe pas. Elle est faite d’air. On ne peut pas monter : il faut être tiré.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Je n’ai pas en moi de principe d’ascension. [...] C’est seulement en orientant ma pensée vers quelque chose de meilleur que moi, que ce quelque chose me tire vers le haut. Si je suis réellement tiré, ce quelque chose est réel.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Aucune perfection imaginaire ne peut me tirer en haut, même d’un millimètre. Car une perfection imaginaire se trouve automatiquement au niveau de moi qui l’imagine...

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La grâce seule peut donner du courage en laissant la tendresse intacte ou de la tendresse en laissant le courage intact.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La grande douleur de l’homme [...] c’est que regarder et manger sont deux opérations différentes. La béatitude éternelle est un état où regarder c’est manger.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Ce qu’on regarde ici-bas n’est pas réel, c’est un décor. Ce qu’on mange est détruit, n’est plus réel.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Quand on préconise le contraire d’un mal, on reste au niveau de ce mal.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

La bonne union des contraires se fait sur le plan au-dessus.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

L’union des contradictoires est écartèlement : elle est impossible sans une extrême souffrance.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Méthode d’investigation : dès qu’on a pensé quelque chose, chercher en quel sens le contraire est vrai.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Le mal est l’ombre du bien. Tout bien réel [...] projette du mal. Seul le bien imaginaire n’en projette pas.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

Si on désire seulement le bien, on est en opposition avec la loi qui lie le bien réel au mal [...], il est inévitable qu’on tombe dans le malheur.

1947

Source: La Pesanteur et la Grâce

À combien d’esprits jeunes n’arrive-t-il pas ainsi d’étouffer, par défiance d’eux-mêmes, leurs doutes les mieux fondés ?

1934

Source: Oppression et Liberté

Il y a contradiction [...] entre la méthode d’analyse et les conclusions. Ce n’est pas étonnant : on a élaboré les conclusions avant la méthode.

1934

Source: Oppression et Liberté

[L'homme] a tenu à faire de sa méthode un instrument pour prédire un avenir conforme à ses vœux.

1934

Source: Oppression et Liberté

[Il faut éviter de] se laisser aller [...] à une conformité inconsciente avec les superstitions les moins fondées de son époque, le culte de la production, [...] la croyance aveugle au progrès.

1934

Source: Oppression et Liberté

Les hommes ne sont pas des jouets impuissants du destin ; ce sont des êtres éminemment actifs ; mais leur activité est à chaque instant limitée par la structure de la société qu’ils constituent entre eux.

1934

Source: Oppression et Liberté

La source de l’oppression [...] ne se trouve pas dans les hommes, non dans les institutions, mais dans le mécanisme même des rapports sociaux.

1934

Source: Oppression et Liberté

La « machine de l’État » est oppressive par sa nature même, ses rouages ne peuvent fonctionner sans broyer les citoyens ; aucune bonne volonté ne peut en faire un instrument du bien public.

1934

Source: Oppression et Liberté

La machine de l’État se développe de jour en jour d’une manière plus monstrueuse, devient de jour en jour plus étrangère à l’ensemble de la population, plus aveugle, plus inhumaine.

1934

Source: Oppression et Liberté

On ne révise pas ce qui n’existe pas [...]. Il n’y a jamais eu de marxisme, mais plusieurs affirmations incompatibles, les unes fondées, les autres non.

1934

Source: Oppression et Liberté

Être révolutionnaire, est-ce appeler par ses vœux et aider par ses actes tout ce qui peut [...] alléger ou soulever le poids qui écrase la masse des hommes, [...] refuser les mensonges [...] ?

1934

Source: Oppression et Liberté

L’esprit révolutionnaire [...] est aussi ancien que l’oppression elle-même et durera autant qu’elle, plus longtemps même, car, si elle disparaît, il devra subsister pour l’empêcher de reparaître.

1934

Source: Oppression et Liberté

L'affirmation que seule une société où l’acte du travail mettrait en jeu toutes les facultés de l’homme [...] réaliserait la plénitude de la grandeur humaine.

1934

Source: Oppression et Liberté

Rien ne permet d’affirmer aux ouvriers que la science est avec eux. [...] la science n’est rien, pratiquement, sans les ressources de la technique, et elle ne les donne pas, elle permet seulement d’en user.

1934

Source: Oppression et Liberté

Rien ne permet [...] d’affirmer aux ouvriers qu’ils ont une mission [...]. Comme les esclaves, [...] ils sont malheureux, injustement malheureux ; il est bon qu’ils se défendent, il serait beau qu’ils se libèrent.

1934

Source: Oppression et Liberté

[Les illusions] leur font croire que les choses vont être faciles, qu’ils sont poussés par derrière par un dieu moderne qu’on nomme Progrès, qu’une providence moderne, qu’on nomme l’Histoire, fait pour eux le plus gros de l’effort.

1934

Source: Oppression et Liberté

Ceux qui souffrent ne peuvent pas se plaindre, dans cette vie-là. Seraient incompris des autres, moqués peut-être de ceux qui ne souffrent pas, considérés comme des ennuyeux par ceux qui, souffrant, ont bien assez de leur propre souffrance.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Une belle fille, forte, fraîche et saine dit un jour [...], après une journée de 10 h. : On en a marre de la journée. Vivement le 14 juillet qu’on danse. [...] ça fait 5 ans que je n’ai pas dansé. On a envie de danser, et puis on danse devant la lessive.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

L’inconvénient d’une situation d’esclave, c’est qu’on est tenté de considérer comme réellement existants des êtres humains qui sont de pâles ombres dans la caverne.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Pénible de marcher ainsi quand on ne mange pas…

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La faim devient un sentiment permanent. Est-ce plus ou moins pénible que de travailler et de manger ? Question non résolue… Si, plus pénible somme toute.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

On dirait que, par convention, la fatigue n’existe pas… Comme le danger à la guerre, sans doute.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Comment, moi, l’esclave, je peux donc monter dans cet autobus, en user pour mes 12 sous au même titre que n’importe qui ? Quelle faveur extraordinaire !

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

L’esclavage m’a fait perdre tout à fait le sentiment d’avoir des droits. Cela me paraît une faveur d’avoir des moments où je n’ai rien à supporter en fait de brutalité humaine.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Mes camarades n’ont pas, je crois, cet état d’esprit au même degré : ils n’ont pas pleinement compris qu’ils sont des esclaves. Les mots de juste et d’injuste ont sans doute conservé [...] un sens pour eux.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

La classe de ceux qui ne comptent pas — dans aucune situation — aux yeux de personne… et qui ne compteront pas, jamais, quoi qu’il arrive [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

On a toujours besoin pour soi-même de signes extérieurs de sa propre valeur.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Le fait capital n’est pas la souffrance, mais l’humiliation.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Une oppression évidemment inexorable et invincible n’engendre pas comme réaction immédiate la révolte, mais la soumission.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Le sentiment de la dignité personnelle tel qu’il a été fabriqué par la société est brisé. Il faut s’en forger un autre [...].

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Gagné à cette expérience ? Le sentiment que je ne possède aucun droit, quel qu’il soit, à quoi que ce soit [...]. La capacité de me suffire moralement à moi-même, de vivre dans cet état d’humiliation latente perpétuelle sans me sentir humiliée à mes propres yeux.

1934-1942

Source: La Condition ouvrière

Un courage qui n’est pas échauffé par la volonté de tuer, qui au point du plus grand péril soutient le spectacle prolongé des blessures et des agonies, est certainement d’une qualité plus rare [...].

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le pays agresseur part toujours avec un avantage moral considérable, pour peu que l’agression ait été préparée et préméditée.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Cette résolution froide se trouve rarement unie dans un même être humain à la tendresse qu’exige le réconfort des souffrances et des agonies. Mais quoique ce soit rare, ce n’est pas introuvable.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

J’adhère totalement aux mystères de la foi chrétienne [...] ; cette adhésion est amour, non affirmation.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le malheur répandu sur la surface du globe terrestre m’obsède et m’accable au point d’annuler mes facultés, et je ne puis [...] me délivrer de cette obsession que si j’ai moi-même une large part de danger et de souffrance.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le fait qu’on puisse employer à propos de la pensée des mots comme supériorité ou infériorité montre combien nous respirons une atmosphère pourrie.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Un repas ne se compare pas, il se mange. De même des paroles [...] se mangent dans la mesure où elles sont comestibles, c’est-à-dire pour autant qu’elles contiennent de la vérité.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Nous naissons et croissons dans le mensonge. La vérité ne nous vient que du dehors et nous vient toujours de Dieu.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Il y a dans Isaïe une phrase terrible pour moi : « Ceux qui aiment Dieu ne sont jamais fatigués. »

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Il est dur de dépendre d’autrui. Mais cela tient à la nature même de la chose. Si le malheur se définissait par la douleur et la mort, il m’aurait été facile [...] de tomber aux mains de l’ennemi. Mais il se définit d’abord par la nécessité.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Il me semble qu’en réalité la sainteté est, si j’ose dire, le minimum pour un chrétien.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

J’éprouve un déchirement qui s’aggrave sans cesse, à la fois dans l’intelligence et au centre du cœur, par l’incapacité où je suis de penser ensemble dans la vérité le malheur des hommes, la perfection de Dieu et le lien entre les deux.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Un chrétien sait qu’une seule pensée d’amour, élevée vers Dieu dans la vérité, quoique muette et sans écho, est plus utile même pour ce monde que la plus éclatante action.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Je suis persuadée que les chrétiens les plus fervents [...] ne concentrent pas beaucoup davantage leur attention quand ils prient ou lisent l’Évangile. Pourquoi supposer que c’est mieux ailleurs ?

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

J’ai [...] une espèce de certitude intérieure croissante qu’il se trouve en moi un dépôt d’or pur qui est à transmettre. Seulement l’expérience [...] me persuade de plus en plus qu’il n’y a personne pour le recevoir.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le fait qu’ils [les partis] existent n’est nullement un motif de les conserver. Seul le bien est un motif légitime de conservation.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, estimés efficaces à tort ou à raison.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Seul ce qui est juste est légitime. Le crime et le mensonge ne le sont en aucun cas.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Les hommes convergent dans le juste et le vrai, au lieu que le mensonge et le crime les font indéfiniment diverger.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

La passion collective est une impulsion de crime et de mensonge infiniment plus puissante qu’aucune passion individuelle.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S’il ne l’est pas en fait, c’est seulement parce que ceux qui l’entourent ne le sont pas moins que lui.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le bien seul est une fin. Tout ce qui appartient au domaine des faits est de l’ordre des moyens. Mais la pensée collective est incapable de s’élever au-dessus du domaine des faits.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

La fin d’un parti politique est chose vague et irréelle. [...] L’existence du parti est palpable [...]. Il est ainsi inévitable qu’en fait le parti soit à lui-même sa propre fin.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Les partis sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Le but avoué de la propagande est de persuader et non pas de communiquer de la lumière.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Si on reconnaît qu’il y a une vérité, il n’est permis de penser que ce qui est vrai.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

C’est en désirant la vérité à vide et sans tenter d’en deviner d’avance le contenu qu’on reçoit la lumière. C’est là tout le mécanisme de l’attention.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

Il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

L’opération de prendre parti [...] s’est substituée à l’obligation de la pensée. C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques.

1957

Source: Écrits de Londres et dernières lettres

N’importe quelle peine est acceptable dans la clarté.

1942

Source: Lettre à un religieux

Je considère une certaine suspension du jugement à l’égard de toutes les pensées quelles qu’elles soient, sans exception, comme constituant la vertu d’humilité dans le domaine de l’intelligence.

1942

Source: Lettre à un religieux

La vérité essentielle concernant Dieu, c’est qu’Il est bon. Croire que Dieu peut ordonner aux hommes des actes atroces d’injustice et de cruauté, c’est la plus grande erreur qu’on puisse commettre à son égard.

1942

Source: Lettre à un religieux

La chronologie ne peut pas avoir un rôle déterminant dans un rapport entre Dieu et l’homme, un rapport dont un terme est éternel.

1942

Source: Lettre à un religieux

[...] une religion ne se connaît que du dedans.

1942

Source: Lettre à un religieux

La religion catholique contient explicitement des vérités que d’autres religions contiennent implicitement. Mais réciproquement d’autres religions contiennent explicitement des vérités qui sont seulement implicites dans le christianisme.

1942

Source: Lettre à un religieux

L’Europe a été déracinée spirituellement, coupée de cette antiquité où tous les éléments de notre civilisation ont leur origine ; et elle est allée déraciner les autres continents [...].

1942

Source: Lettre à un religieux

Tous ceux qui possèdent à l’état pur l’amour du prochain et l’acceptation de l’ordre du monde, [...] même s’ils vivent et meurent en apparence athées, sont sûrement sauvés.

1942

Source: Lettre à un religieux

Le Christ ne sauve pas tous ceux qui Lui disent : « Seigneur, Seigneur. » Mais il sauve tous ceux qui d’un cœur pur donnent un morceau de pain à un affamé, sans penser à Lui le moins du monde.

1942

Source: Lettre à un religieux

Tout se passe comme si avec le temps on avait regardé non plus Jésus, mais l’Église comme étant Dieu incarné ici-bas.

1942

Source: Lettre à un religieux

Le christianisme a fait entrer dans le monde cette notion de progrès, inconnue auparavant ; et cette notion, devenue le poison du monde moderne, l’a déchristianisé.

1942

Source: Lettre à un religieux

Il faut se défaire de la superstition de la chronologie pour trouver l’Éternité.

1942

Source: Lettre à un religieux

Si l’Évangile omettait toute mention de la résurrection du Christ, la foi me serait plus facile. La Croix seule me suffit.

1942

Source: Lettre à un religieux

L’adhésion de l’intelligence n’est jamais due à quoi que ce soit. [...] L’attention seule est volontaire. Aussi est-elle seule matière d’obligation.

1942

Source: Lettre à un religieux

L’idée d’une quête de l’homme par Dieu est d’une splendeur et d’une profondeur insondables. Il y a décadence quand elle est remplacée par l’idée d’une quête de Dieu par l’homme.

1942

Source: Lettre à un religieux

Le besoin de vérité est plus sacré qu’aucun autre. Il n’en est pourtant jamais fait mention.

1943

Source: L'Enracinement

On a peur de lire quand on s’est une fois rendu compte de l'énormité des faussetés [...] étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés.

1943

Source: L'Enracinement

Il y a des hommes qui [...] lisent le soir pour s’instruire. [...] Ils croient le livre sur parole. On n’a pas le droit de leur donner à manger du faux.

1943

Source: L'Enracinement

La société nourrit [les auteurs] pour qu’ils aient le loisir et se donnent la peine d’éviter l’erreur.

1943

Source: L'Enracinement

Un aiguilleur cause d’un déraillement serait mal accueilli en alléguant qu’il est de bonne foi.

1943

Source: L'Enracinement

Il est honteux de tolérer l’existence de journaux où [...] aucun collaborateur ne pourrait demeurer s’il ne consentait parfois à altérer sciemment la vérité.

1943

Source: L'Enracinement

Le public se défie des journaux, mais sa défiance ne le protège pas.

1943

Source: L'Enracinement

Sachant qu’un journal contient des vérités et des mensonges, [le public] répartit les nouvelles [...] au hasard, au gré de ses préférences. Il est ainsi livré à l’erreur.

1943

Source: L'Enracinement

Lorsque le journalisme se confond avec l’organisation du mensonge, il constitue un crime. Mais on croit que c’est un crime impunissable.

1943

Source: L'Enracinement

D’où peut bien venir cette étrange conception de crimes non punissables ? C’est une des plus monstrueuses déformations de l’esprit juridique.

1943

Source: L'Enracinement

[Il faudrait] punir de réprobation publique toute erreur évitable.

1943

Source: L'Enracinement

Il n’est nullement besoin d’une fréquence plus grande [d'information] si l’on veut faire penser et non abrutir.

1943

Source: L'Enracinement

Le besoin le plus sacré de l’âme humaine, [c'est] le besoin de protection contre la suggestion et l’erreur.

1943

Source: L'Enracinement

Il n’y a aucune possibilité de satisfaire chez un peuple le besoin de vérité si l’on ne peut trouver à cet effet des hommes qui aiment la vérité.

1943

Source: L'Enracinement